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Lundi 8 novembre 1824[1].

Mon cher amour, je suis arrivé, logé à l’hôtel de Rastadt très confortablement. J’irai voir Genoude tout à l’heure pour savoir si les nominations sont faites et j’agirai en conséquence. Je ferai toutes les visites possibles et très insolemment. Ainsi sois en repos. Si j’avais besoin de soins, j’en aurais ici par Revillon. Adieu, adieu, je vais sortir, toujours pensant à toi et t’adorant.

ALPH.


Lundi soir. J’ai beaucoup agi et couru, rien de décisif contre moi encore. Mais peu de probabilités. Il est trop tard, et les jalousies trop en jeu, et les amours-propres trop choqués de mon attitude isolée : je continuerai demain et après ; la séance est remise et les nominations n’auront peut-être pas lieu de quinze jours. Mais les paroles sont données. Au reste, sois tranquille, je fais comme s’il n’en était rien. Adieu, à après-demain. Je vais me coucher ; lis cette Étoile, il y a un mot sur moi de lord Byron. J’ai le livre, il est charmant.


Ce dernier trait n’a d’ailleurs aucun rapport avec l’affaire académique. L’Étoile, journal de Genoude, venait de publier un article sur un livre récemment paru : Conversations de lord Byron recueillies par Th. Medwin. Ce Medwin, que Lamartine connut en Italie, avait rencontré lord Byron à Pise en 1821. Il lui conta qu’un de ses amis venait de traduire les vers où le poète français le comparait « à un aigle qui se nourrit de cœurs humains. » Lord Byron reprit : « Je n’ai jamais lu les Méditations poétiques ; je serais bien aise de les voir. Apportez-les-moi demain. » Le lendemain, continue Medwin, je lui fis lire la traduction qu’il compara avec l’original. Il dit que les vers étaient admirables, et qu’au total il les trouvait très flatteurs pour lui : « Dites-le à votre ami, et priez-le de ma part de faire mes complimens à M. de Lamartine, et de lui dire que je le remercie de ses vers. »


Mardi soir, 9 novembre[2].

Je rentre, mon ange. J’ai fait trente visites au moins dans ma journée, je n’en puis plus. Quel métier ! Le recommence qui voudra, ce ne sera jamais moi. Il y a une coterie de Lacretelle, Roger, Auger, Campenon, et deux

  1. A Mme Alphonse de Lamartine, à Mâcon. Lamartine date, par erreur, du mois d’octobre.
  2. A Mme Alphonse de Lamartine, à Mâcon.