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humiliante pour son fils. On peut dire que, en cette occasion, le Conseil du Roi n’a guère eu d’attention pour sa gloire (au Roi) et pour celle de la France. Cet État a essuyé de grands revers ; mais jamais il n’avait fait de bassesses. Aussi le maréchal de Belle-Isle, qui parlait quelquefois comme un preux chevalier, disait-il, en frappant du pied, qu’ « il avait honte d’être Français et que jamais, depuis Hugues Capet, la couronne de France n’avait essuyé pareil outrage. »

Le comte de Noailles lui-même en arrive à parler du « déchaînement de la Cour et de la Ville » sur sa « commission » et sur sa « personne. » Aussi demanda-t-il d’être mis à couvert par un texte précis des paroles qu’il était appelé à prononcer. Il désirait que ce discours fût court « à cause de la timidité où il est quand il faut parler en public, son état de militaire le dispensant des fleurs de rhétorique. »

Noailles fit son entrée à Turin, le 4 septembre 1755, à six heures du soir. L’audience, pour laquelle il était venu, lui fut fixée par le roi de Sardaigne au samedi 6 septembre, dix heures et demie du matin.

Les représentans de Louis XV auraient voulu que la cérémonie se fit sans éclat, à la dérobée, presque en cachette, sans bruit, ni témoins, ni apparat. A lire leurs dépêches, on les croirait sur le point de solliciter la faveur de passer par l’escalier de service. La cour de Sardaigne au contraire, y désirait le plus de solennité et d’ostentation possible. Ossorio aurait volontiers fait abattre des pans de murs, comme aux enceintes des villes antiques pour les triomphateurs, afin de ménager une entrée sensationnelle à l’envoyé extraordinaire de Sa Majesté Très Chrétienne. Il fait entourer le comte de Noailles du plus grand nombre de soldats possible, de trompettes, de drapeaux, de chambellans ; il le fait entrer, quoiqu’il en ait, dans les carrosses du Roi ; il lui met sur la poitrine toutes les décorations dont dispose la cour de Turin, au regret de ne pouvoir lui on offrir davantage, tandis que le pauvre comte de Noailles se désespère d’être contraint à les recevoir.

Le chevalier Ossorio désirait une audience semi-publique. Noailles n’y voulait d’autre personne que le Roi lui-même ; encore si le Roi avait pu se dispenser d’y assister… Enfin on accorda que le Roi recevrait l’ambassadeur français en n’ayant auprès de lui que son seul ministre des Affaires étrangères.