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Le lendemain, on suivait leurs traces au ravage fait dans les blés qu’ils avaient couchés sous leurs pas, dans les magnifiques nappes de blé vert, d’un vert frais, qui s’étendaient, en se modelant aux ondulations du terrain, depuis Romagnieu jusqu’à Rochefort, sur une lieue de distance.

Et les argoulets vont en ligne droite sur le château de Rochefort, qui se dresse à la crête du coteau, parmi les cordons de vigne auxquels se mêlent des plants de tabac ; propriété du seigneur de Thoury, président au Parlement de Grenoble, du chef de sa femme, Jeanne de Chaumont.

Le château où Mandrin a reçu l’hospitalité est conservé. Du milieu des vignes émergent les vieux murs de défense, percés par endroits de longs et minces trous carrés, par lesquels s’écoulent les eaux des terres que le bâtiment enserre de ses fondations. Les toitures, faites de tuiles, se détachent en rouge brique sur la masse verdoyante des noyers touffus, qui se pressent à l’arrière-plan, comme pour couvrir la demeure contre les vents des Alpes. Le village de Rochefort est construit dans le voisinage, sur un autre mamelon moins élevé.

L’entrée est à l’arrière du château pour ceux qui viennent des rives du Guiers. On y accède par une somptueuse allée de noyers, qui conduit à une cour extérieure, sorte de verger où les cerisiers effeuillaient leurs fleurs blanches sur le gazon terreux. Tout autour, les communs : des écuries, des abris pour le fourrage, des bûchers ; un puits à auge ronde taillée dans un bloc de granit.

La façade du château se compose d’un corps de bâtiment percé au milieu d’une porte charretière, basse, en plein cintre, et flanqué, en manière d’ailes, de deux tours carrées, massives, trapues : dans celle de gauche, la chapelle ; dans celle de droite, le logis occupé par Mandrin. Cette entrée est défendue par une grille en fer forgé, qui forme porte à claire-voie, fermée à l’intérieur d’une lourde poutre de bois, que l’on fait mouvoir en l’enfonçant dans un trou pratiqué dans l’épaisseur du mur. A droite et à gauche de cette entrée, de petites fenêtres défendues par des barreaux de fer et fermées intérieurement d’un volet de bois plein. Celle de droite éclaire une chambre à rez de terre, où loge Joseph Veyret, un jeune jardinier, qui sert également de concierge au château.

Après avoir ouvert la grille, on passe sous une voûte