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cette paix. Le déjeuner de Marienbad a répondu à ce sentiment.

La visite que notre ambassadeur à Berlin, M. Jules Cambon, a faite au prince de Bülow à Norderney a eu une importance plus précise. On ne sait encore, dans le public, rien de ce qui s’y est dit ; mais les deux gouvernemens le savent, et les notes officieuses qu’ils ont communiquées aux journaux donnent à croire que la conversation, qui ne pouvait qu’être très courtoise et obligeante entre le prince de Bülow et M. Jules Cambon, a de plus été satisfaisante au point de vue politique. On a confiance dans notre parole, à Berlin. On n’y croit plus à notre arrière-pensée de nous approprier exclusivement le Maroc. On y admet que notre intervention actuelle est la conséquence de l’Acte d’Algésiras lui-même, et que nous ne pouvions pas, après le premier coup de feu tiré sur nous, ne pas riposter comme nous l’avons fait : — car le premier coup de feu a été tiré sur nous, en dépit des assertions contraires du correspondant de la Gazette de Cologne à Casablanca. Nous plaignons ce journal d’être si mal renseigné et de s’être ravalé au rôle d’organe hargneux de quelques intérêts privés. Le gouvernement allemand reste au-dessus de pareilles préoccupations ; il n’élève aucune objection, il n’émet aucune critique sur notre intervention au Maroc. S’il en était autrement, le prince de Bülow n’aurait pas reçu familièrement M. Jules Cambon à Norderney, et après cette entrevue, ni le gouvernement allemand, ni le gouvernement français n’auraient publié dans les journaux les notes qu’on y a lues.

Puisque nous avons déjà formé quelques souhaits dans cette chronique, nous en formerons un dernier, à savoir que les deux gouvernemens ne s’en tiennent pas là, et qu’après être entrés dans la voie des causeries et des explications, ils y restent. Nous ne parlons pas à la légère en disant que, si on l’avait fait plus tôt, beaucoup de malentendus ne se seraient pas produits ou qu’ils auraient été dissipés sur-le-champ. Le regret que nous exprimons, et auquel nous ne voudrions pas donner la forme d’une critique, ne s’adresse pas seulement au gouvernement impérial : le nôtre en a aussi sa part. Une première négligence d’un côté a amené des froissemens et de l’irritation de l’autre ; on a mis ici et là sa dignité à ne pas reprendre une conversation qu’on avait laissé imprudemment tomber ; une muraille de silence s’est élevée entre les deux gouvernemens, et entre eux aussi le fossé s’est creusé. Il y a pourtant de nombreux intérêts communs entre l’Allemagne et nous. Le Maroc, à propos duquel le conflit a éclaté, est un des endroits du monde où il y en avait le moins. Parce qu’on ne voulait pas s’expliquer sur le Maroc, on a négligé de causer de tout le reste,