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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




Depuis quinze jours, la situation, au Maroc, ne s’est peut-être pas aggravée ; mais elle s’est compliquée par la proclamation d’un nouveau sultan, Moulaï-Hafid, frère d’Abd-el-Aziz. Ce sont les tribus du Sud qui, mécontentes de la direction imprimée aux affaires, ou plutôt de l’anarchie qui a empêché de leur imprimer une direction quelconque, ont opposé le frère au frère et entamé une révolution dont il est impossible de prévoir les suites. Il est assez naturel qu’en présence d’un fait aussi imprévu et aussi brusque que le bombardement et l’occupation de Casablanca par les infidèles européens, le pouvoir déjà fragile d’Abd-el-Aziz ait éprouvé une secousse violente. Peut-être y succombera-t-il. Mais c’est ce que nul ne pourrait affirmer dans l’état actuel des choses, car si Abd-el-Aziz a donné des preuves multiples de sa faiblesse, Moulaï-Hafid n’en a pas encore donné de sa force. Il a été proclamé par un certain nombre de tribus : pour le moment, tout se réduit là. D’autres sont restées fidèles à Abd-el-Aziz. On dit que Moulaï-Hafid cherche à obtenir l’abdication de son frère par persuasion, ou intimidation. Mais y réussira-t-il ? Suivant toutes les probabilités, l’intrigue qui a abouti à sa proclamation, n’en est encore qu’à son premier acte. Le second sera un choc entre les deux frères, c’est-à-dire entre les tribus qui les soutiennent. Quel en sera l’effet ? Peut-être le succès éclatant d’un des deux partis arrachera-t-il le Maroc à l’anarchie qui le dévore. Peut-être aussi les chances demeureront-elles longtemps incertaines et l’anarchie ira-t-elle en augmentant. Toutes ces hypothèses, d’autres encore, peuvent se présenter à l’esprit avec un égal degré de vraisemblance : nul ne peut prévoir quelle est celle qui se réalisera. Il en résulterait pour nous, ou plutôt pour l’Europe, un embarras sérieux, si c’était