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minime. Suivant notre calcul, le total des capitaux transformés tant en actions qu’en obligations et utilisés par les sociétés anonymes, dont le siège est en Égypte, s’élevait en juin dernier à 1 600 millions de francs, abstraction faite de la Compagnie du canal de Suez qui retire ses bénéfices des péages payés par les bateaux étrangers. Si même on arrondit ce chiffre, afin d’éviter toute possibilité d’omission, on voit que, somme toute, il y a d’autant moins lieu de s’effrayer que l’Égypte n’est grevée d’aucune taxe locale, qu’elle n’a ni dette provinciale ni dette communale d’aucune sorte et que sa dette publique a diminué de 250 millions depuis 1891. La spéculation est donc allée non pas trop loin, mais trop vite.

Cet avilissement des prix de toutes les actions cotées en Égypte va-t-il gagner par contagion ceux des immeubles urbains jusqu’ici indemnes et sur lesquels on a pourtant, nous l’avons observé déjà, beaucoup spéculé dans les deux villes principales ? Ces immeubles n’ont fait, il est vrai, l’objet d’aucune transaction depuis le mois de juin : c’est seulement quand la morte-saison sera finie qu’on pourra connaître leur prix marchand. Nous croyons qu’à ce moment un départ s’établira entre les terrains à proprement parler urbains et les terrains suburbains. Sur les seconds, des excès de spéculation ont été commis et bien des lots ont été poussés à des prix sans aucune relation avec leur rendement éventuel. Aussi la réaction a-t-elle déjà commencé, mais ses conséquences ne sauraient être bien graves, car la valeur de ces terrains est petite si on la compare à celle des terrains de la ville. Suivant toute probabilité, ceux-ci maintiendront en général leur prix actuel ; peut-être même certains d’entre eux l’accroîtront-ils. Leur hausse n’a en effet que suivi celle des loyers qui se justifie elle-même par la rareté des logemens hygiéniques bien distribués et confortables, de plus en plus indispensables à la population européenne ou européanisée dont le chiffre grandit si rapidement au Caire et à Alexandrie. Dans tous les pays, ce besoin s’impose de plus en plus et les familles, surtout dans la classe moyenne, consacrent à sa satisfaction une proportion de plus en plus forte de leur revenu. Au Caire, il y a seulement quinze ou vingt ans, il n’existait d’autres habitations que les sombres et humides masures des quartiers indigènes. Depuis, une nouvelle ville a surgi de terre, tout autour de l’ancienne, affirmant chaque année sa vitalité, attirant