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la longue période ascendante qui vient de finir si brusquement, la hausse de tous les titres s’arrêtait vers le milieu de mai. Une réaction générale d’ailleurs assez légère commençait alors, grâce à laquelle les ballons trop soufflés se dégonflaient un peu. Cette année, les financiers professionnels ou les commerçans, tous sans exception surchargés de titres et d’engagemens, et obligés de vendre à tout prix, ne trouvent aucun acheteur. On imagine l’état d’esprit de ces hommes dont l’optimisme imperturbable et le joyeux enthousiasme d’autan ont fait place au découragement et au désarroi le plus complets. Toute confiance acheva de disparaître ; le resserrement monétaire s’aggrava ; les crédits furent retirés ou du moins coupés.


III

Ce passage d’une espérance démesurée au désespoir est la cause profonde de ce phénomène essentiellement psychologique que sont les crises économiques. Les auteurs qui ont décrit ces perturbations n’y voient d’ordinaire que les alternatives d’une hausse et d’une baisse exagérées, déterminées par un abus de crédit. C’est là une observation superficielle. La considération sur laquelle il importe d’insister est que cet abus s’explique par la confiance simultanée et concordante des emprunteurs et des prêteurs, confiance soudainement remplacée par une méfiance et une appréhension encore plus fortes. Tant que dureront cette prostration et cet affaissement des boursiers, des spéculateurs et des banquiers, tant que persisteront l’inquiétude et la timidité des capitalistes, la crise sévira. Dès que les esprits, revenus au calme et à la modération, seront de nouveau capables de se représenter les objets sans les déformer, la convalescence commencera, et la guérison surviendra avec une rapidité dont beaucoup seront surpris. Reste à savoir si, d’ici là, le mal ne s’aggravera pas. Il semble, jusqu’à présent, être resté confiné dans les deux capitales et n’avoir frappé que les valeurs de bourse. Certains craignent qu’il ne s’étende à toute l’Egypte et n’y déprécie, non seulement les immeubles urbains, mais même les terrains de culture.

Une telle perspective ne saurait laisser indifférent aucun de ceux qui, en France, en Angleterre, en Belgique, ont fécondé de leurs capitaux le sol de la vallée du Nil : porteurs de titres