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qu’elles empruntent, à échéance plus ou moins longue, les capitaux supplémentaires qui leur sont nécessaires. Sous quelles formes ? Grâce à des combinaisons nombreuses et variées, trop techniques pour qu’il soit possible d’en donner une idée même superficielle, mais qui, toutes, se ramènent à une ouverture de crédit à court terme.

Nous touchons ici à l’une des causes principales de la crise : la tendance à utiliser ou à laisser utiliser sur une vaste échelle, en placemens spéculatifs forcément à long terme, les capitaux prêtés par les banques européennes à brève échéance ou même à vue. Tandis que des particuliers engageaient des opérations hasardeuses avec les fonds qui leur avaient été trop facilement avancés moyennant un gros intérêt par un établissement qui en était responsable vis-à-vis de son correspondant d’outremer, des commerçans, importateurs ou exportateurs, voire des banques dont le rôle avoué était de concourir au règlement du commerce extérieur, se laissèrent entraîner les uns à spéculer, les autres à faire des reports avec l’argent obtenu en revendant des marchandises achetées à terme ou en négociant du papier payable à échéance fixe. Le jour où, l’argent étant devenu rare sur les marchés de Paris ou de Londres, les banques d’Europe, d’ailleurs inquiètes de la tendance des bourses d’Alexandrie et du Caire, resserreraient leurs crédits, en refuseraient le renouvellement, demanderaient des garanties, le danger de la situation devait éclater aux yeux des moins clairvoyans, et la réaction, déjà commencée, se transformer en panique.

A partir de 1905, l’agitation spéculative ne cessa de grandir dans les deux capitales égyptiennes. Jusque-là, les marchés à terme n’étaient pratiqués que sur les cotons. Pour jouer à la hausse sur les valeurs, il était nécessaire d’acheter des titres, de les payer immédiatement et d’attendre, pour les revendre, le moment où ils hausseraient. Le spéculateur le plus aventureux ne pouvait donc dépasser de beaucoup ses moyens. L’organisation de liquidations de quinzaine, la facilité dangereuse offerte aux acheteurs de se faire reporter d’un terme à l’autre, permit les pires abus d’agiotage. De petits employés, sans autre ressource que leurs maigres appointemens, achetèrent ou vendirent « fin courant » des centaines de titres dont les cours étaient susceptibles des fluctuations les plus violentes. Des agens de change exécutaient de tels ordres, sans réclamer la moindre