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beaucoup de discernement, de tact, de circonspection, de fermeté, et surtout une longue expérience de la place, des maisons qui y opèrent, de leurs tenans et de leurs aboutissans. Les banques trouvèrent donc généralement plus commode et plus sûr d’utiliser les fonds dont elles disposaient en avances sur marchandises, et de préférence sur valeurs, ou même en reports. Elles ouvrirent des comptes courans garantis, jusqu’à concurrence d’un certain pourcentage, par des titres calculés au cours du jour. Les spéculateurs purent ainsi doubler et tripler leurs ressources et se livrer à leurs opérations sur une échelle deux ou trois fois plus vaste. En Égypte, le taux de l’intérêt est resté énorme. Rarement inférieur à 6, il atteint souvent 8 ou 9 pour 100. Les banques pouvaient donc se flatter de réaliser par ce procédé de très gros bénéfices sans courir aucune sorte de risque.

Le risque existait pourtant et menaçait de deux côtés. D’une part le gage qui garantissait les prêts consentis par la banque n’était pas sûr, sa valeur variait suivant toutes les oscillations de la hausse et de la baisse. D’autre part, sa réalisation ne pouvait être que très difficile, si jamais les circonstances obligeaient à exiger le remboursement de ces avances. En réalité ce mode de placement, s’il était pratiqué exclusivement, ainsi que l’ont fait une ou deux banques que cette erreur de jugement a conduites à la suspension de leurs paiemens, immobilisait des capitaux qui doivent toujours rester aussi liquides que possible parce qu’ils sont formés, en plus ou moins grande partie, de dépôts remboursables à première réquisition.

Pour les établissemens de crédit récemment fondés en Égypte, de même que pour les banques privées, le danger était bien moins grand qu’il ne pourrait l’être en France, par cette raison que les dépôts leur manquent presque entièrement. L’argent liquide trouve des emplois si nombreux et si lucratifs dans ce pays, que les fellahs seuls le laissent dormir. Abstraction faite des paysans thésauriseurs, ceux qui en ont le confient d’ailleurs aux banques de premier ordre, telles que le Crédit Lyonnais ou la Banque Ottomane. Naturellement les autres banques, dépourvues par là du numéraire flottant qui, dans les pays où le crédit est organisé, forme la principale ressource des banquiers, ne se contentent pas de travailler seulement avec leur capital. Le profit qu’elles en retireraient serait trop faible, trop disproportionné avec les risques et les frais généraux. C’est donc à l’Europe