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On a vu le rôle considérable que la loi de 1898 a donné à ces sociétés : elles peuvent avoir la garde des enfans, suppléer ainsi le père ou la mère. Elles demandent plus encore. Pour mieux protéger l’enfant maltraité, elles voudraient qu’on leur donnât le droit de poursuite et celui de se porter partie civile : ainsi armées, elles sauraient découvrir des faits que le Parquet ignore trop souvent : elles en assureraient la répression immédiate : elles sauveraient plus d’enfans. En 1898 le Sénat leur accorda ces droits d’abord, puis les leur retira. Depuis, elles ont rendu de si éclatans services, elles ont fait preuve aussi de tant de prudence et de sagacité que le Parlement sans doute, si on l’en sollicitait, ne leur refuserait pas aujourd’hui ces droits qui, en Angleterre et aux États-Unis, ont produit les plus utiles résultats. D’autres mesures, dont l’idée aussi a été prise en Amérique, sont sollicitées à l’égard non plus des enfans maltraités, mais des enfans coupables. On demande l’institution du « Tribunal pour enfans, » qui fonctionne très heureusement dans vingt-quatre États de l’Union. Ce tribunal se compose d’un juge unique, choisi à cause de son expérience particulière et qui, investi des pouvoirs les plus étendus, proscrit ce qu’il juge utile pour sauver l’enfant. On propose également et on a déjà commencé d’appliquer « la liberté surveillée.  » La garde de l’enfant délinquant est confiée à un patronage : toutefois il est rendu à sa famille ; mais un probation officer, délégué par le juge, le visite régulièrement ; et, sur son rapport, le juge relâche, supprime la surveillance si l’amélioration est certaine ; dans le cas contraire, il envoie l’enfant en correction. A Paris, trois inspecteurs, délégués l’un par le préfet de police, les deux autres par des personnes charitables, font l’office des probation officers ; plus de cent enfans ont été mis ainsi en liberté surveillée depuis un an, et les résultats sont des plus satisfaisans. Au tribunal de la Seine, une des Chambres correctionnelles vient de consacrer deux jours d’audience aux enfans. On arrivera vraisemblablement, dans un délai assez bref, à créer, pour toutes les grandes villes du moins, le tribunal spécial, la juridiction exactement appropriée à des délinquans qu’il faut distinguer de tous les autres ; la juridiction où l’enfant, au lieu de subir le contact et la vue du vrai crime, trouvera le juge compétent pour prescrire toutes les mesures utiles à son relèvement. Le progrès, ici, est poursuivi d’un effort obstiné par des hommes de toutes les