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consentement mutuel, la bataille se livrera justement sur les mesures qui doivent les protéger. Dans la famille qui reste unie, il semble qu’une certaine impatience se manifeste contre la loi de l’héritage. Suivant les habitudes anciennes, cette loi, qui assure aux enfans la totalité ou une forte part de la succession paternelle, avait comme sa justification dans le droit reconnu aux parens de décider souverainement le mariage des enfans : ils amassaient volontiers pour une famille nouvelle qui devait se constituer suivant leur désir. Maintenant que ce mariage tend à devenir l’affaire exclusive de ceux qui le contractent, les parens aperçoivent que leurs efforts, leurs privations enrichiront une famille qui peut bien n’être pas de leur goût. La loi de l’héritage apparaît ainsi trop automatique et fatale, à mesure que les enfans font moins pour mériter ce qui est en somme un bienfait. La Révolution avait à peu près supprimé la liberté de tester, par crainte de voir renaître le droit d’aînesse, base de toute aristocratie héréditaire : l’égalité du partage dans le Code civil, et la réserve accordée aux enfans procédaient de la même crainte. Aujourd’hui que cette crainte a disparu, la liberté testamentaire, du moins une liberté plus grande pourrait être accordée au père et à la mère. Elle ferait équilibre à l’indépendance croissante de l’enfant. C’est par là, par là seulement, que cette indépendance, si large soit-elle, pourra être retenue aux limites après quoi la famille ne peut plus exister, ceci bien entendu à défaut du lien d’affection qui demeure la plus précieuse sauvegarde.

L’avenir n’est que pénible et sombre, si l’on cherche les conséquences extrêmes de la vie industrielle et de la surpopulation des grandes villes dans des familles où elles ont déjà fait tant de ravages. Le mal, c’est-à-dire la ruine de la famille et le péril de l’enfant, y grandit toujours. Tant que l’enfant est en âge d’aller à l’école, un assez grand nombre d’heures se trouvent chaque jour occupées ; mais, insouciance des parens ou insuffisance des locaux scolaires, tous les enfans ne vont pas à l’école, et, en tous cas, les années dangereuses sont celles qui suivent la fin des études, avant qu’ils soient placés. Dans une discussion de la Société des Prisons, à laquelle prenaient part des fonctionnaires de la Préfecture de police, des inspectrices, des magistrats, il a été révélé que c’est ainsi chaque année, dans Paris, plus de 20 000 enfans qui errent à l’abandon. Voilà le mal. Il