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pas dit en 1810, on le dit en 1898, dans l’émotion excitée par le crime des Grégoire. La loi du 19 avril 1898 disposa que la faiblesse chez la victime, la qualité de parens chez les auteurs des coups seraient l’une et l’autre des circonstances aggravantes : elle assimila aux coups et blessures la privation d’alimens ou de soins, qui jusque-là n’était pas punie ; les peines furent toutes élevées : elles purent aller jusqu’aux travaux forcés à perpétuité ; en même temps, le fait d’abandon d’enfant fut précisé et plus sévèrement puni, ainsi que le fait de livrer des enfans à des individus exerçant des professions ambulantes. Le but de la loi du 19 avril 1898 était pleinement atteint, et la conscience publique avait toute satisfaction. Cependant il restait à régler, par des dispositions accessoires, le sort de l’enfant après la condamnation des parens. On proposa que, dès la période d’instruction, le juge pût statuer provisoirement sur la garde et la confier soit à un parent, soit à une personne ou une institution charitable, soit à l’Assistance publique. M. Bérenger profita ingénieusement de la disposition ainsi proposée pour l’étendre à ces cas que la loi de 1889 avait laissés sans solution. Puisque le juge d’instruction allait statuer provisoirement sur la garde, pourquoi ne pas étendre son pouvoir aux cas où c’est justement la garde qui fait difficulté, parce que les parens ne peuvent ou ne savent l’exercer, et que toutefois ils n’ont pas encouru la déchéance ? Le Sénat accepta l’idée de M. Bérenger : il votait et la Chambre après lui, que le juge d’instruction provisoirement, le tribunal définitivement, statueraient sur la garde « dans tous les cas de délits ou de crimes commis par des enfans ou sur des enfans.  » Donc le juge, puis le tribunal peuvent donner la garde de l’enfant à l’Assistance publique ou à une société de patronage, quand il a été victime de coups et blessures portés par ses parens ; mais ils se trouvent munis du même pouvoir quand il est amené devant eux pour répondre de quelque crime ou délit. Voilà résolue une grande difficulté que la loi de 1889 sur la déchéance de la puissance paternelle n’avait pas prévue. Et ainsi, de la loi de 1898 destinée uniquement d’abord à apaiser la conscience publique et à punir la cruauté de parens sauvages, M. Bérenger a réussi à tirer une règle qui, pour des cas tout à fait différens, permet de changer la garde, sans recourir à la déchéance qui d’ailleurs ne serait pas possible.

Il convient d’indiquer enfin comment, en pratique, le droit