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n’eurent qu’à la prononcer, après certains crimes et délits commis par les parens : en dehors de toute condamnation, purent être déclarés déchus « les père et mère qui, par leur ivrognerie habituelle, leur inconduite notoire et scandaleuse, par de mauvais traitemens, compromettent soit la santé, soit la sécurité, soit la moralité de leurs enfans.  » Ainsi affranchi d’une autorité qui n’agissait plus que contre lui, l’enfant devait trouver la protection la plus sûre ; les tribunaux eurent à rechercher si ce serait la puissance de sa mère, ou la tutelle du droit commun, ou enfin celle de l’Assistance publique, d’un particulier, d’une institution charitable. On est allé aussi loin que l’exigeait l’intérêt de l’enfant. Tous les droits qui font la puissance paternelle, garde, éducation, correction, consentement au mariage, usufruit légal, sont enlevés au père, à la mère : entre les mains du tuteur, de l’Assistance publique, de la société de patronage, il n’y a plus que les pouvoirs qui servent à protéger les orphelins. Ces enfans ne sont-ils point pareils à des orphelins  ?

Après la loi de 1889, il semble que rien ne restait à faire. Cependant la pratique de cette loi même montra bientôt aux sociétés de patronage qu’elle ne suffisait pas : excellente dans les cas extrêmes où la déchéance s’imposait, elle ne donnait pas de solution dans une foule de cas qu’on pourrait dire intermédiaires, toutes les fois qu’il y aurait eu grand intérêt pour l’enfant à ce que sa garde, sa garde seulement, fût transférée, de parens qui ne pouvaient ou ne devaient pas l’exercer, soit à l’Assistance publique, soit aux sociétés de patronage. Sur ce point très important, la loi de 1889 était à corriger. Il fallait une occasion ; l’occasion se présenta en 1897. On n’a pas oublié l’émotion de colère et de pitié que souleva dans toute la France le crime des époux Grégoire : les drames de l’Ambigu avaient montré des enfans martyrs, mais ce n’étaient que des fictions, et ce n’étaient pas les parens qui torturaient eux-mêmes leurs enfans. Personne n’avait jamais supposé que de tels parens pussent exister dans la vie réelle. Et tandis que l’opinion réclamait contre les Grégoire un châtiment exemplaire, le Code pénal n’offrait que les peines qui punissent les auteurs de coups et blessures : il avait bien institué des peines plus graves pour les coups et blessures portés par les enfans sur leurs ascendans ; mais il n’avait pas prévu comme circonstance aggravante que les coups seraient portés par les parens sur leurs enfans. Ce qu’on n’avait