Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 40.djvu/953

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Tous les journaux ayant fait le récit de ce qui s’est passé à Casablanca, il nous suffira de le rappeler très brièvement. Une dizaine d’ouvriers du port, la plupart français, quelques-uns italiens, ont été assaillis un jour de marché par des gens venus des environs de la ville, et lâchement mis à mort. Les assassins se sont acharnés sur leurs cadavres. Aucune provocation n’était venue de leur part, et rien n’avait fait prévoir l’agression meurtrière dont ils ont été victimes, rien, si ce n’est la surexcitation des esprits qui, loin de s’apaiser, allait sans cesse en s’aggravant parmi les tribus voisines. Un pareil fait venant après l’assassinat du docteur Mauchamp, au sujet duquel on nous a promis mais dont on ne nous a pas encore donné satisfaction, ne pouvait pas rester impuni. Le prestige de la France est déjà bien diminué au Maroc : qu’en serait-il resté si, une fois de plus, notre longanimité avait pu être taxée d’impuissance ? On se serait cru tout permis contre nous. La sécurité de nos compatriotes, ou pour mieux dire de tous les Européens, aurait été définitivement compromise. C’était d’ailleurs à nous, Français, qu’on en voulait ; c’était contre nous que la barbarie marocaine avait fait explosion. Cette préférence, quels qu’en soient les motifs, nous imposait des devoirs particuliers, auxquels nous ne pouvions manquer sans mettre en cause tout notre établissement dans le nord de l’Afrique. Nos intérêts spéciaux au Maroc ont été reconnus formellement à Algésiras : ils sont tels que la moindre hésitation de notre part aurait été considérée comme un abandon, et en aurait eu les funestes conséquences. Nous avions, au surplus, une autre raison d’agir : c’est que la Conférence d’Algésiras avait confié à nous et à l’Espagne le soin d’assurer la police à Casablanca. On nous a reproché, dans quelques journaux, de n’avoir pas encore rempli la tâche qui nous incombait de ce chef ; on a dit que, si nous l’avions fait plus rapidement, les massacres n’auraient pas eu lieu. Nous n’examinerons pas si le reproche est juste ; mais il le serait certainement devenu si, dans les circonstances nouvelles où nous nous trouvons, nous n’avions pas fait le nécessaire pour déblayer le présent et pour préparer l’avenir. Le massacre de Casablanca devait amener une répression immédiate, faute de quoi l’organisation de la pouce serait devenue impossible, et nous aurions dû, l’Espagne et nous, faire l’aveu de notre incapacité. On n’y était pas plus disposé à Madrid qu’à Paris. Bien que l’instrument de notre action n’existât pas encore, l’obligation d’agir existait pour nous tout entière : voilà pourquoi, dès le premier moment, nous n’avons pas hésité à envoyer des vaisseaux de guerre à Casablanca. L’ordre en a