Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 40.djvu/929

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nous faire part, ici et là, de son opinion personnelle sur le train du monde et les grands mouvemens de l’histoire : le moindre renseignement de biographie ou de bibliographie eût beaucoup mieux fait notre affaire. En outre, il est établi que les Lettres ont été tronquées, des passages supprimés, d’autres indûment rapprochés ; des phrases ont été altérées, des mots intercalés, qui changent le sens. On réclamait une édition préparée d’après les méthodes modernes ; et, pour en exécuter le travail, il ne suffisait pas d’un érudit, il fallait encore qu’il fût de la Faculté. M. le docteur Paul Triaire, déjà connu par de belles publications relatives à l’histoire de la médecine, a entrepris de nous la donner. Le premier volume vient de paraître[1]. Les lettres y ont été soigneusement collationnées sur les manuscrits ; elles sont disposées dans le seul ordre acceptable, qui est celui de la chronologie ; les notes ne laissent passer aucun nom propre, sans nous apporter tous les éclaircissemens dont nous avons besoin. Voici donc que Gui Patin aura un monument cligne de lui. Nous en attendrons l’achèvement avec sécurité, non sans impatience : ce premier volume s’arrête à l’année 1649, et, pour la plus grande partie de la correspondance, nous sommes donc obligés de recourir encore à l’édition usuelle. Nous serons surtout curieux de lire l’étude où le nouvel éditeur de Gui Patin, situant celui-ci dans son milieu, comme il est juste, le suivra dans son rôle de praticien, doyen de la Faculté de médecine et professeur au Collège de France : placé du côté de l’opérateur, il réclamera sans doute pour lui une indulgence que nous autres, placés du côté des patiens, nous ne sommes pas très disposés à lui accorder. Pour l’instant, efforçons-nous de dégager quelques-uns des traits de cette physionomie d’autant plus intéressante qu’elle est tout à la fois très originale et très représentative.

Si l’on veut prendre tout de suite bonne opinion de Gui Patin et en recevoir une impression favorable, c’est dans sa vie de famille qu’il faut l’apercevoir. On est séduit par la bonhomie, la simplicité de mœurs, l’air de grande honnêteté. On se réjouit de cette perspective ouverte sur notre vieille bourgeoisie. Gui Patin a lui-même retracé dans une page charmante l’histoire de ses origines. Né en Picardie, dans un village à trois bleues de Beauvais, nommé Hodenc, il y retrouve trace d’un Noël Patin qui vivait dans la même paroisse, il y a plus de trois cents ans. Il compte dans ses ascendans, des notaires,

  1. Lettres de Gui Patin (1630-1672). Nouvelle édition collationnée sur les manuscrits autographes par le docteur Paul Triaire, correspondant de l’Académie de médecine. Tome Ier, 1 vol. in-8o (H. Champion).