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l’unique solution des difficultés communes aux catholiques et aux protestans. »

Maintenant, la séparation se fait contre les catholiques libéraux au point que l’on ne voit pas comment leur Eglise pourra vivre sous le nouveau régime. Elle manque d’enfans, cette réserve de l’avenir ; elle manque d’argent, et comment donc entretiendra-t-elle ses prêtres et assurera-t-elle l’exercice de son culte ? elle manque aussi, et cela est encore plus grave, de foi ; elle ne croit plus ni en elle-même, ni en sa doctrine. Le clergé catholique libéral essaie néanmoins de faire bonne contenance. Il a communiqué à la presse genevoise une note où l’on voit que « loin de se laisser décourager, et confians dans la force des principes chrétiens et démocratiques qui sont à la base de l’Eglise catholique nationale, » ses membres « prennent l’engagement de continuer avec plus d’ardeur que par le passé l’œuvre commencée. » Mais cela, c’est du bluff, et nul n’a pu s’y tromper.

La revanche des catholiques romains contre les bénéficiaires des lois de 1873 est donc complète et, ce qui vaut mieux, elle n’a été achetée par aucune compromission. Les débats au grand Conseil ont toutefois mis en relief le sens politique du groupe indépendant. « Il y a lieu de reconnaître, m’écrivait récemment M. Henri Fazy, que dans tous les débats qui ont précédé la votation, les députés catholiques ont fait preuve de beaucoup de tact et d’intelligence, leur altitude a fait bonne impression. » Ce n’est pas trop dire. Le président du conseil d’Etat a dû être d’autant plus favorablement impressionné par l’attitude générale et surtout par le vote des députés catholiques, qu’il ne s’était à aucun moment dissimulé que le sort de son projet de loi dépendait, au moins pour la votation populaire, de la façon dont se comporteraient les catholiques, et qu’il avait bien lieu de supposer que ceux-ci ne démentiraient pas, au référendum, l’attitude et le vote de leurs représentans au grand Conseil. Il me disait, à Genève, il y a près d’un an : « Je reconnais que le sort de mon projet de loi est entre les mains de vos coreligionnaires. Comprendront-ils que leur intérêt est de le voter ? » Ils l’ont parfaitement compris. Ce n’est pas qu’ils n’eussent sans doute préféré que la tardive réparation des injustices commises trente quatre ans plus tôt à leur préjudice affectât une