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expérience désormais suffisamment prolongée que l’esprit qui prévaut dans l’œuvre catholique-libérale de Genève n’est ni catholique en religion, ni libéral en politique, j’ai l’honneur de vous adresser ma démission des fonctions de curé de la paroisse catholique de cette ville. »

L’illusion, somme toute, avait été de courte durée : à peine quelques mois. Le Père Hyacinthe a confessé d’ailleurs publiquement la faute qu’il avait commise, en acceptant les lois au nom desquelles s’accomplissait une besogne si peu chrétienne : « Malgré des répugnances profondes et persévérantes, après un refus public de la candidature qui m’était offerte pour la cure de Genève, s’écriera-t-il, je finis par me rendre. J’acceptai cette cure et je prêtai serment à la loi organique ! Voilà ma faute. Elle fut réelle, elle fut grande : j’en demande pardon à Dieu et aux hommes. »

Le gouvernement s’empara donc de l’église Notre-Dame pour la livrer aux catholiques-libéraux, et la plupart des autres églises du canton eurent le même sort. « Il est des hommes, a dit encore le Père Hyacinthe, qui se font de tels actes un mérite et un honneur, je les laisse à leur conscience ; moi, je m’en ferais une honte et un remords. »

Les vieux-catholiques du canton de Genève, ou si l’on veut les catholiques libéraux ou nationaux, se sont rattachés à l’Eglise helvétique qui reconnaît pour évêque et qui a d’ailleurs élu en cette qualité, le 7 juin 1876, M. Herzog. Ils professent donc avec cette Eglise, qui compte environ 75 000 adhérens, la doctrine des sept conciles acceptés comme œcuméniques par l’Orient et l’Occident. Ils professent également la liberté de la confession, la liberté du mariage des prêtres, et ils célèbrent les offices liturgiques en langue vulgaire. Mais leur nombre n’a cessé de décroître. Ils ne comptent guère aujourd’hui que 3 000 adeptes nominaux, dont à peine 600 électeurs. Le Kulturkampf leur avait donné 23 paroisses. Ils n’en ont plus que cinq : Genève, Carouge, Lancy, Chêne et Versoix. Encore ces deux dernières leur sont-elles enlevées par une disposition spéciale de la loi Fazy. Onze prêtres, dont sept dans la ville, et quatre dans la banlieue, forment tout leur clergé. Cette décadence progressive du catholicisme libéral, sous le régime des lois Carteret, prouve que le Père Hyacinthe ne se trompait pas quand il disait, dès 1875, que la séparation de l’Église et de l’Etat s’imposait « comme