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nationale n’est pas persécutée, mais elle subit une épreuve qui attire forcément de son côté la sympathie. Ses cadres ne seront pas amoindris par des exodes sans dignité. Toutefois, il n’est pas défendu de penser que l’attrait d’une situation matérielle, d’une situation officielle, garantie par l’Etat, a pu contribuer un peu dans le passé à déterminer la vocation de quelques-uns de ses pasteurs. Et, dès lors, il est permis de conjecturer qu’il se trouvera dans l’avenir des jeunes gens, qui n’ayant pas les mêmes raisons d’opter pour l’Eglise nationale, céderont plus facilement aux raisons, que leur conscience leur pourra suggérer, de s’attacher de préférence à l’Eglise évangélique libre. Il nous est loisible d’appliquer aux simples fidèles le même raisonnement, car on ne peut nier qu’ils n’eussent plus d’intérêt à rester dans l’Eglise nationale, subventionnée par l’Etat, qu’à entrer dans une Eglise dont l’entretien est tout entier à la charge de ses membres. Et d’ailleurs, question d’intérêt à part, l’Eglise nationale avait un prestige officiel qui en pouvait imposer. Ce prestige, il est vrai, sera encore sensible aux yeux après la séparation, comme il est vrai que nous voyons encore la lumière du soleil quand il vient de disparaître à l’horizon. Mais il ira en s’atténuant jusqu’à ce qu’il s’efface tout à fait.


IV

Nous avons dit quelle est la situation du protestantisme à Genève en face de la séparation et comment l’Eglise nationale protestante n’aura peut-être à souffrir que dans ses intérêts matériels d’un bouleversement qui, d’autre part, ne peut que servir les intérêts spirituels de l’Eglise évangélique.

En revanche la séparation d’avec l’Etat, c’est infailliblement, pour l’autre Eglise nationale, pour l’Eglise nationale catholique, l’agonie lente et la mort.

Cette Eglise catholique nationale fut l’œuvre du célèbre Père Hyacinthe, une œuvre que les collaborateurs de l’ancien prédicateur de Notre-Dame eurent vite fait de défigurer. Elle est née du Kulturkampf de 1873, mais dans des conditions fort peu connues en France. Je dois à l’obligeance de M. Henri Fazy, qui était à cette époque le plus jeune des collègues de M. Carteret au conseil d’Etat et qui en est aujourd’hui le dernier survivant, communication de toute une série de documens officiels relatifs