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obligatoire, mais une simple déclaration religieuse sans caractère dogmatique. Ses paroissiens seront tous les protestans de naissance qui ne refuseront pas absolument d’en faire partie. Les nationaux les plus attachés personnellement à l’orthodoxie, et entre tous, ce qui est bien caractéristique, le leader orthodoxe M. Chaponnière, qui mène une campagne dans ce sens dans son journal la Vie nouvelle, organe des protestans français, veulent que leur Eglise reste « multitudiniste. » L’Eglise nationale protestante de Genève sera donc demain, comme elle l’était hier, la seule Eglise du monde protestant tout entier qui représente le vrai « latitudinarisme, » car ni en Angleterre, ni en Allemagne, ni en France, ni en Suède et Norvège, on ne trouverait une Eglise ainsi constituée.

Il n’en est pas moins vrai que l’Eglise nationale protestante de Genève est ébranlée aujourd’hui dans ses assises officielles. L’est-elle dans sa vie intime et profonde ? Elle subit, en tout cas, une épreuve, et la manière dont elle la supportera nous pourra seule exactement renseigner sur les ressources de vitalité proprement religieuse dont elle dispose. Il convient de rappeler ici ce que Vinet a écrit dans son Essai sur les manifestations des convictions religieuses et sur la séparation de l’Eglise et de l’État envisagée comme conséquence nécessaire et comme garantie du principe : « Si l’on nous demande : Que voulez-vous que la religion devienne sans l’appui de l’Etat ? nous répondrons simplement : Qu’elle devienne ce qu’elle pourra ; qu’elle devienne ce qu’elle doit devenir ; qu’elle vive si elle a de quoi vivre ; qu’elle meure si elle doit mourir. Elle est venue dans le monde pour prouver que l’esprit est plus fort que la matière, fort contre la matière ; je ne dois pas l’empêcher de prouver cela. Si elle ne peut pas subsister par elle-même, elle n’est pas la vérité ; si elle ne peut vivre que d’artifice, elle n’est elle-même qu’un artifice ; si elle est de Dieu, il lui a été donné, comme à Jésus-Christ, d’avoir la vie en elle-même ; il faut qu’elle le montre ; c’est son premier mandat ; c’est le sceau indispensable de sa divinité… Nous déclarons hautement que, pour ce qui nous concernerions cesserions de croire au christianisme, du moment que nous ne le croirions pas fort au-dessus de cette épreuve. »