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religieux dans les écoles où, sous le régime de l’union, cet enseignement est donné, en vertu de la loi sur l’instruction publique du 5 juin 1886, par des pasteurs nommés par le consistoire, agréés et payés par l’Etat. La loi Fazy ne supprime pas l’enseignement religieux dans ces écoles ; elle n’en parle pas, et les pasteurs qui en sont chargés continueront donc à le donner, mais désormais sans nul concours positif de l’Etat. Ce n’est donc pas la laïcisation de l’école, mais ce pourrait être un acheminement vers cette prétendue neutralité dont nous savons maintenant en France assez ce qu’elle vaut, pour n’être pas surpris que les pasteurs genevois appréhendent d’avoir à faire, après nous, une expérience si concluante et si désastreuse.

Quelque graves que soient les craintes que peut faire naître la séparation de l’Eglise et de l’Etat, du point de vue de l’Eglise nationale protestante, ce ne sont que des craintes en effet. Aussi s’est-il rencontré, au sein de cette Eglise, dix-sept pasteurs en office, une minorité en somme imposante, et d’autant plus que, si l’on en croit M. l’abbé Eugène Garry, dont l’impartialité égale la compétence dans toutes les questions intéressant les diverses Eglises de Genève, cette minorité serait « l’élite du corps ecclésiastique protestant ; » il s’est trouvé, dis-je, dix-sept pasteurs en office pour se déclarer séparatistes, et pour recommander publiquement au suffrage populaire, par un appel collectif en date du 21 juin, la loi Fazy. Pour ceux-là, la séparation était surtout affaire de principe, mais en outre ils rendaient hommage aux intentions droites du législateur, et ils ne voyaient rien dans son œuvre qui les obligeât à la repousser. Le consistoire, toutefois, en jugeait autrement, et bien que plusieurs de ses membres fussent séparatistes de principe, il demandait solennellement, aux protestans de Genève, par voie d’affiches, dont lecture fut donnée le 30, juin dans les temples, de rejeter la loi « dans l’intérêt de la patrie aussi bien que dans l’intérêt de l’Eglise, » parce que « la séparation relâcherait les liens qui pendant près de quatre siècles ont uni, dans l’âme genevoise, le sentiment national et le sentiment religieux. »

Il faut rendre à la Compagnie des Pasteurs cette justice qu’elle a su reléguer dans cette affaire de la séparation, autant du moins qu’on en peut juger du dehors, ses préoccupations matérielles au dernier plan. Mais il faut dire aussi que l’Eglise nationale protestante possède une petite fortune que l’Etat ne songe pas à