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IV

Au commencement de 1907, le Congo français apparaît donc affranchi de toutes complications de politique étrangère, en même temps qu’il est couvert contre les retours offensifs des négriers soudaniens par l’occupation militaire du Chari et du Tchad. Ni les particuliers ni l’administration locale n’avaient d’ailleurs attendu dans l’inaction la fin de ces travaux de protection intérieure et extérieure. L’histoire des compagnies concessionnaires est extrêmement intéressante et instructive pour quiconque veut s’assurer, sans parti-pris, si les Français ont ou non l’esprit colonisateur.

En 1900, lorsqu’ils commencèrent à s’organiser au Congo, les concessionnaires ne pouvaient attendre de l’administration qu’une neutralité bienveillante. On en était encore au temps du Congo-passage, non plus vers le haut Nil, mais vers le Tchad. Il y avait quelques mois à peine que des officiers topographes, partis avec le commandant Gendron pour préparer la carte des concessions, avaient dû monter en hâte au Chari pour coopérer à la lutte contre Rabah. Il n’existait aucun document géographique précis sur l’intérieur du bassin congolais. Les concessions avaient été découpées au jugé, dénommées de fleuves plutôt encore soupçonnés que reconnus ; les Compagnies manquaient de personnel compétent pour exploiter, et l’Etat n’avait pas de fonctionnaires disponibles pour recevoir et guider les concessionnaires. C’est merveille, après un pareil départ, que les Compagnies se soient quand même installées, mises au travail et, comme on dit familièrement, débrouillées.

Il suffit, en effet, de rapprocher quelques chiffres[1] pour prouver que cette expérience, hardie jusqu’à la témérité, n’a pas cependant tourné à l’échec. En 1897, avant l’octroi des concessions, le mouvement commercial du Congo français était inférieur à 9 millions, dont trois quarts aux étrangers. En 1904, le commerce général du Gabon seul, c’est-à-dire de la partie côtière du Congo, atteint 7 555 000 francs et monte en 1905 à 8 567 000 ;

  1. Voyez la Feuille de renseignemens de l’Office colonial, janvier 1907 ; — et le Rapport d’ensemble sur la situation générale du Congo en 1903, Paris, Larosc, 1906, 132 pages, avec planches.