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A l’user, ses amis l’aimaient pour son brave cœur, fidèle et loyal ; les autres apprenaient à leurs dépens à en avoir plutôt peur. Un de ses compatriotes l’a peinte « disant son fait à tout le monde et sur toutes choses, ne pardonnant jamais quand on l’offensait, rarement disposée à arranger les choses au mieux, très peu traitable[1], » et complètement fermée à l’esprit français. Le portrait est poussé au noir ; l’auteur a oublié le fond de tendresse passionnée et la belle humeur, souvent héroïque dans sa situation, qui rendent sa princesse si attachante, malgré ses défauts et ses ridicules.

Louis XIV ne voyait que les côtés attachans de sa belle-sœur : « (14 décembre 1676.) Le Roi me témoigne chaque jour plus de faveur, car partout où il me rencontre, il m’adresse la parole, et il m’envoie maintenant chercher tous les samedis, pour faire medianoche avec lui et Mme de Montespan. Cela fait que je suis à présent très à la mode. Tout ce que je dis ou fais, que ce soit bien ou mal, les courtisans l’admirent… Il en est ainsi à cette cour. » Et à toutes les cours. Dans la même lettre, Madame conte longuement sa première chute de cheval et poursuit : « Votre Dilection, qui admire tant notre Roi de m’avoir si bien assistée dans mes couches, l’aimera aussi dans cette rencontre. Il est arrivé le premier auprès de moi, pâle comme la mort, et j’eus beau lui assurer que je ne m’étais fait aucun mal et que je n’étais pas tombée sur la tête, il n’eut pas de cesse qu’il ne m’eût examiné la tête dans tous les sens. Quand il se fut convaincu que j’avais dit vrai, il me reconduisit jusque dans ma chambre, où il resta quelque temps auprès de moi, pour s’assurer que je n’aurais pas d’étourdissemens. Il ne s’en alla… que sur mes protestations réitérées que je n’avais pas le moindre mal[2]. » Dans leurs relations, le monarque disparaissait pour laisser la place à l’homme, et celui-ci se montrait invariablement attentif et complaisant : « La cour s’en va à Fontainebleau, écrivait madame de Sévigné ; c’est Madame qui le veut[3]. » Ce « Madame le veut » n’étonnait personne, et c’est pourquoi les courtisans admiraient jusqu’à sa grande perruque, généralement de travers.

Monsieur continuait à se montrer agréable compagnon,

  1. Léopold Ranke, Histoire de France, trad. de J.-Jacques Porchat, VI, 144.
  2. Lettre à la duchesse Sophie.
  3. Lettre du 26 juillet 1675.