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remontrent Madame en costume de chasse ; Madame un fusil dans une main et un éventail dans l’autre ; Madame en Diane chasseresse ; Madame et ses chiens ; Madame à cheval ; Madame avant la chasse, pendant la chasse, retour de la chasse et prête à se remettre en selle, car, sauf le soir où elle consentait à reprendre une robe, elle ne quittait plus son costume semi-masculin d’amazone ; elle l’avait trouvé plus commode que « le grand habit, » de rigueur à la cour pour les simples mortelles, et elle l’avait adopté pour l’usage ordinaire, tous les jours et toute la journée, d’où une figure à part, et point banale. Le soleil aidant, Liselotte fut désormais seule de son espèce à la cour de France, et pour la physionomie, et pour la tournure.

On a beau être une grande princesse, on n’attrape pas impunément des coups de soleil. Madame en fit l’expérience. Longtemps après que le mal était fait, elle écrivait : « Je sais ce que c’est que d’être brûlé à la chasse par le soleil. Il m’est arrivé souvent d’être au soleil depuis cinq heures du matin jusqu’à neuf heures du soir et de rentrer rouge comme une écrevisse, le visage tout brûlé ; c’est pour cela que j’ai maintenant la peau si hâlée et si rude. » « Ma peau, dit une autre lettre, est d’un rouge tacheté de jaune[1]. » Ce visage de brique était encadré dans une perruque d’homme, un chapeau rond, — ou un tricorne, — et une grosse cravate d’homme. Le reste du costume se composait d’un vêtement à longues basques, ouvert sur une manière de gilet, et d’une jupe traînante, le tout chargé des copieux affiquets : aiguillettes, franges, broderies, passemens, dentelles, flots de rubans, etc., qui caractérisaient alors les modes masculines. Madame raconte quelque part qu’un moine, l’ayant rencontrée dans son couvent, l’avait prise pour un homme, et il est certain qu’on pouvait s’y tromper.

Il est certain aussi qu’elle étonnait lorsqu’en cet attirail, et toujours en train d’écrire une lettre, elle distribuait à la ronde de sa voix « rude »[2], dans son salon de Saint-Germain ou de Versailles, les vérités salutaires et les propos salés. Les premières fois qu’on la voyait, on était séduit par son intarissable gaieté et ce que Mme de Sévigné appelait « sa charmante sincérité » et son esprit « non pas agréable, mais… de bon sens[3].

  1. Lettres du 3 juin 1706 et du 22 avril 1698, à la raugrave Louise.
  2. Lettre du 30 mars 1720, à la rauprrave Louise.
  3. Lettres du 6 janvier et du 30 décembre 1672.