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Néanmoins, je me rapproche chaque jour davantage du but que j’avais en vue en venant ici et je ne suis pas mécontent de ma campagne. Je voudrais bien qu’elle me conduisît à Francfort, mais je ne suis nullement sûr qu’il en soit ainsi, quelque plaisir que j’eusse à vous serrer la main et à causer avec Mme de Gobineau et avec vous. Tout le cours de mes études actuelles me porte vers le nord et j’imagine qu’en sortant d’ici, je me dirigerai vers Dresde et Berlin. Je crois rester encore un mois à Bonn, non continuellement peut-être, car j’aurai probablement une petite tournée à faire bientôt en Westphalie où j’ai plusieurs questions qui m’intéressent à examiner. Mais Bonn restera mon quartier général, et ma femme, je pense, n’en bougera. Jusqu’à présent, ma santé se trouve aussi bien que mon esprit du genre de vie que je mène et j’espère les ramener l’une et l’autre en France, en état de me servir et de se servir mutuellement. Car, sans la santé, le travail est impossible et l’absence de travail dans un esprit encore si actif que le mien détruit la santé.

La peinture très intéressante que vous me faites de votre Diète ne m’a pas surpris. J’imaginais les choses à peu près telles que vous me les dépeignez. Elles sont tellement le produit nécessaire de la condition politique de l’Allemagne et de ses lois fédérales qu’il est difficile, ces conditions étant données, de concevoir la Diète autrement que vous me la représentez. La constitution fédérale allemande est une des plus vicieuses qui se puissent imaginer ; mais fût-elle une des meilleures, les choses n’en iraient guère autrement, du moment qu’on viendrait faire marcher ensemble deux gros États couplés comme l’Autriche et la Prusse, et tous les petits compagnons qui les accompagnent en diète. Les fictions légales qui ne sont pas toujours aussi impuissantes qu’on le prétend ne peuvent rien quand elles veulent se mettre à ce point à la place des faits. La machine ne peut pas remplacer à ce point la nature vivante et animée. Un gouvernement fédéral ne peut quelque chose que quand les États couplés sont à peu près égaux et homogènes (et encore même dans ce cas n’est-il jamais bien fort) ; ou bien lorsque la prétendue puissance fédérale s’exerce au profit et par l’entremise d’un confédéré assez puissant pour appuyer avec sa force individuelle le commandement qu’il donne au nom de tout le monde. Mais au diable, vais-je vous faire un cours de droit politique ? Ma