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l’opinion envers elle. Ces dispositions se manifestaient tous les jours d’une manière significative. La Harpe raconte que, dans les premiers temps de la Révolution, il entendit un soir crier dans la rue la Suppression des Académies, comme on cria plus tard la Trahison du comte de Mirabeau, la Conspiration de La Fayette et autres nouvelles à sensation. C’était un faux décret de l’Assemblée constituante, fabriqué de toutes pièces, que les badauds s’empressaient d’acheter pour deux sous, et que tout le monde lisait. Ce genre de manifestation nous montre bien que c’étaient des journalistes qui s’étaient mis à la tête du mouvement. Le journal était alors, comme il est arrivé souvent dans la suite, le refuge des écrivains médiocres, quand ils n’étaient pas arrivés à se faire un nom dans la littérature. Ils pullulaient en ce moment et poursuivaient de leur haine les distinctions académiques qu’ils avaient tous sollicitées et qu’ils n’avaient pas obtenues. Ce qu’il y avait de grave dans ces attaques, c’est qu’elles paraissaient approuvées du public. Je n’ai vu nulle part, dans toutes les polémiques du temps, que personne ait franchement défendu l’Académie : quand on prend la parole pour elle, on commence par en demander pardon. Devant cette preuve manifeste du discrédit où elle était tombée, en présence de ces attaques violentes de quelques-uns, et de l’indifférence des autres, on comprend qu’elle se soit si brusquement déterminée à suspendre ses élections. On l’en a blâmée[1] ; il a paru à quelques historiens qu’elle avait perdu courage et rendu les armes trop tôt. Elle en jugea sans doute autrement, et il lui sembla plus convenable à sa dignité de prévenir des coups qu’elle jugeait inévitables, que de les attendre ;[2]. Du reste, elle ne les a pas attendus longtemps.


IV

C’est le 16 août 1790 qu’eut lieu, à l’Assemblée nationale, la première escarmouche contre les Académies. Lebrun, le futur

  1. Notamment Jules Simon dans son livre intitulé : Une Académie sous le Directoire.
  2. C’est ce que faisait entendre La Harpe, dans une lettre écrite à la mort de Rulhières, en 1791, c’est-à-dire un an avant que l’autorité eût interdit formellement de remplacer les académiciens défunts : « Voilà quatre places vacantes à l’Académie française, In sienne, celle de l’abbé de Radonvilliers, du maréchal de Duras et de M. de Guibert. On ne songe à en remplacer aucun, l’Académie avant de se recruter veut être sûre de son existence qui n’est encore que provisoirement confirmée par l’Assemblée nationale. »