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trente-deux sous et ne fut porté à trois francs que sous le ministère de M. de Calonne. Malgré cette libéralité extraordinaire, le budget de l’Académie, en y comprenant le prix des jetons, le salaire des hommes de peine qui balayent les salles, celui de l’horloger qui règle la pendule, et des commis du libraire qui gardent les portes les jours de séance publique, ne monte qu’à 25 217 livres. Chamfort est bien obligé d’avouer que cette dépense n’est pour rien dans le déficit, et il reconnaît que l’Académie « est la moins dispendieuse de toutes les inutilités. » Ce qui n’empêche pas Palissot, Dorat-Cubières et les autres de répéter dans leurs journaux qu’elle est une corporation scandaleusement privilégiée, riche, tyrannique, qui étouffe la littérature sous son ombre, et ne permet pas aux grands et libres esprits de se produire ; et à force de le dire, ils finissent par le faire croire.

À ce reproche que lui font surtout les gens de lettres, les politiques en ajoutent un autre : ils l’accusent d’Aire hostile au régime nouveau, et il faut avouer que, comme elle devait sa naissance et son éclat à la monarchie, elle pouvait être un peu suspecte de regretter le passé. Pour savoir si cette accusation est fondée il faut qu’on me permette d’entrer dans quelques détails. On ne pourra connaître l’esprit véritable vde la compagnie que si l’on sait comment elle était composée en 1789, au début de la Révolution.

Malgré les concessions qu’elle avait faites à l’esprit nouveau depuis quelques années, elle n’avait pas renoncé au vieil usage de s’annexer de temps en temps des prélats et des grands seigneurs. On le lui a beaucoup reproché ; mais était-elle tout à fait libre de faire autrement ; et d’ailleurs ces choix faits en dehors de la littérature avaient-ils été sans profit pour elle ? Ne pouvant pas y renoncer tout à fait, elle avait eu grand soin de bien choisir. Par exemple, on ne trouve plus sur ses listes de ces évêques comme le cardinal de Polignac, qui fut si dur pour ce pauvre abbé de Saint-Pierre, ou comme le théatin Boyer, que Voltaire appelait l’âne de Mirepoix, esprit étroit et borné, qui fit fermer les portes de l’Académie à Piron, l’auteur de la Métromanie, pour quelques vers licencieux, composés dans sa jeunesse, et qu’il regretta toute sa vie, tandis qu’on les ouvrait avec honneur à l’abbé de Voisenon, un prêtre scandaleux, qui fournissait Mme de Pompadour d’agréables ordures, dont la Cour faisait ses délices. Les membres du haut clergé qui, en 1789, faisaient partie de