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Au contraire, l’Académie des sciences jouissait partout d’une faveur incontestée et qui s’explique aisément. L’esprit scientifique, étant de sa nature ouvert aux nouveautés et tourné vers l’avenir, convenait à une époque qui voulait s’affranchir des traditions et s’était mise en révolte contre le passé. C’est sur cet esprit que s’appuient les novateurs, et l’on peut dire qu’il est lame même de l’Encyclopédie. L’engouement s’accrut encore, dans la seconde moitié du siècle, par de belles découvertes qui tenaient l’attention publique en haleine : celles de Franklin sur l’électricité, et, à la veille même de la Révolution, l’invention des aérostats. Ces découvertes avaient ce caractère qu’elles en faisaient prévoir d’autres, que les résultats en étant visibles et pratiques, elles ne demandaient aucun effort de réflexion et de raisonnement pour être comprises et admirées, et se trouvaient ainsi à la portée de tous. En même temps, les connaissances scientifiques, qui sont d’ordinaire l’apanage de quelques personnes, se répandirent dans des milieux où elles pénètrent rarement. Il se trouva que d’illustres savans, comme d’Alembert, qui étaient à la fois de grands géomètres et des littérateurs distingués, en donnèrent l’intelligence et le goût aux gens du monde. Les femmes se piquèrent de connaître Newton, et ce fut une mode de faire un peu partout des expériences de physique.

L’Académie des sciences était donc très populaire et, dans ces années de trouble et de confusion, elle ne perdit rien de sa popularité. Jusqu’à la fin, elle eut la fortune de se bien recruter ; c’est alors qu’elle s’associa Lagrange, Laplace, Monge, Berthollet, etc. En face de la Révolution son attitude fut toujours honorable et ferme. Elle essaya de rester en dehors de la politique, strictement enfermée dans ses travaux ordinaires. Le 15 juillet 1789, le lendemain de la prise de la Bastille, elle se réunit au Louvre, comme d’habitude, et entendit un mémoire de Darcet sur la chimie. Plus tard, quand Fourcroy — le futur comte Fourcroy — entraîné par son zèle républicain, lui proposa de s’épurer elle-même, comme venait de le faire l’Académie de Médecine, et de rayer de sa liste ceux de ses membres suspects d’incivisme, elle refusa très énergiquement de le suivre, et il eut beau renouveler sa proposition et y insister, on ne l’écouta pas davantage. En ce moment, le gouvernement avait besoin d’elle. Il la consultait sur les innovations qu’on était en train de faire ;