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Le chêne vénéré des vieux Gaulois, nos pères,
Sort-il pas des granits où le vent le crut mort,
Plus ferme sur ses pieds endurcis par les pierres,
Et déployant plus haut ses frondaisons altières
Sur de longs bras raidis et tordus par l’effort ?

Le fin bouleau fleurit aux fentes des ruines,
Le sapin se redresse au bord des trous béans,
Et, sur nos caps bretons, les humbles aubépines
S’obstinent, pour sourire aux masures voisines,
A défier l’assaut rageur des flots géans.

Non, non, rien n’est perdu des semences propices
Qu’à travers le maquis des hontes et des vices
Dont l’épineux fourré nous déchire souvent,
La fleur d’une âme fraîche, entr’ouvrant ses calices,
Lance, vers l’avenir, sur les ailes du vent.

Plus longtemps et plus loin que la clameur robuste
De la gloire brutale et du crime effronté,
Un rêve fugitif de penseur attristé,
Le sanglot d’un martyr, la parole d’un juste,
Retentissent dans la souffrante Humanité.

Quels que soient les oublis et les mépris sauvages
Qui semblent, par instans, obscurcir leurs images,
Toujours du fond obscur des siècles agités,
Les mêmes Dieux, les mêmes Saints, les mêmes Sages,
Nous enverront le cher secours de leurs clartés :

Moïse au Sinaï, Socrate au Prytanée,
Le doux Jésus prêchant dans l’air bleu des hauteurs,
Gardent fidèlement nos phares conducteurs :
C’est par leurs rayons purs que reste illuminée
La route même où croient les fuir leurs insulteurs.

Comme nous, malgré l’heure et les destins hostiles,
Marchez donc à leur flamme et préparez le jour
Où les peuples nouveaux faucheront à leur tour,
En de plus chauds étés, des moissons plus fertiles
De vertus et de paix, de justice et d’amour ! »


GEORGES LAFENESTRE.