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médecins, au lieu de diplômer comme à Tananarive des « médecins de colonisation. », Tout en appréciant dans son ensemble l’œuvre d’assistance qui rend de réels services, on peut d’autant plus regretter les prérogatives et la liberté donnée aux impétrans indigènes que le contrôle européen auquel ils ont été astreints n’est pas effectif. Le personnel de Tananarive réunit des gens d’initiative, de caractère et de volonté : le docteur Jourdran, le docteur Fontoynont ou le docteur Maurras, esprits ingénieux et constructeurs, curieux des mœurs autant que des maladies indigènes, intelligences d’explorateurs et hommes d’action, au travail du matin au soir, donnent la plus vigoureuse impulsion à l’enseignement de la médecine à Tananarive et, psychologues autant que bons praticiens, le dirigent avec autorité et sagacité ; mais leur œuvre est d’autant plus vite compromise que leurs collègues de province ne mettent pas grand zèle à la continuer et à la compléter, que ce soit par aigreur ou parce qu’ils sont préoccupés de leur clientèle blanche.

Le résultat, c’est qu’en dépit des dépenses et du zèle de beaucoup, Madagascar se dépeuple. La variole, malgré la vaccination, a diminué de 20 p. 100 la population dans certaines provinces ; sur le plateau central même, le paludisme a fait son apparition, frappé par milliers de victimes : les médecins se déclarent découragés. On commence à s’en rendre compte : dans un pays qui était déjà infesté de graves maladies contagieuses, que l’insurrection avait dépeuplé et bouleversé, préparant le meilleur lit au cours débordé des épidémies, il était urgent d’attirer le plus de coloniaux possible ayant reçu une certaine instruction thérapeutique ; leur aide devait être beaucoup plus précieuse aux docteurs européens que celle des infirmiers indigènes et même des médecins de colonisation, néanmoins si indispensables qu’on n’hésitait pas à dépenser les sommes nécessaires à la création et à l’entretien de l’Ecole supérieure de Tananarive. Cependant, l’Administration Française faisait appliquer par trop prématurément, en 1904, la loi de 1892, conçue pour la métropole en vue d’y régir l’exercice de la médecine, loi qui écartait désormais et chassait de Madagascar les officiers de santé et les pharmaciens de 2e classe : ces derniers y étaient assez nombreux et avaient rendu de grands services pendant et après l’expédition ; les plus anciens d’entre eux, qui comptaient parmi les premiers pionniers de la colonisation française, durent faire intervenir des influences politiques pour