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dans des postes isolés, perdus au milieu de leurs compatriotes inférieurs, n’allaient-ils pas bientôt rétrograder vers l’ignorance ? La Direction du Service de santé se déclare très satisfaite de ses élèves, et ils y montrent un esprit éveillé, attentif et prompt qui satisfait. Mais, Tananarive quitté, on est frappé de voir combien, à deux ou trois exceptions près, ceux qui ont déjà été appelés à pratiquer se révèlent inférieurs à leur tâche, plus piteux encore de toute leur suffisance. Hâves, jaunâtres, flétris, l’œil éteint et toute la personne falote, n’ayant d’éclat qu’à l’or des galons, ce sont d’impressionnans gardes-malades, plus attristans en vérité que comiques dans leurs uniformes européens où ils ressemblent à de malingres poupées japonaises et, dans l’exercice automatique de leurs fonctions, incapables de s’intéresser à leur tâche, tant ils restent fourbus, — plus encore que les instituteurs, — par leur long surmenage universitaire. Hagards à la moindre question, ils relèvent fiévreusement un front opaque où luisent ensemble l’épuisement et une certaine arrogance entêtée, muets et taciturnes, tremblans et toujours inquiets, et ils sont encore énervés par la dureté de maints administrateurs qui, maladroitement, ne leur ménagent en public ni mépris ni rebuffades, leur refusant la main et les traitant en « indigènes, » alors qu’à Tananarive on leur avait fait miroiter légalité comme privilège de l’instruction. Ils n’ont guère retenu que des formules. Certes, un programme limité à des cours fondamentaux d’hygiène et à des notions précises sur les maladies les plus courantes eût été davantage à leur portée ; ils auraient rendu autant de services qu’aujourd’hui et, très utiles rabatteurs, ils auraient adressé aux praticiens européens les cas complexes de médecine et la plupart des cas de chirurgie que les indigènes leur présentent.

Il faudra en venir à la révision du programme, comme elle a été effectuée en Indo-Chine : en effet, renchérissant sur Tananarive qu’il s’agissait de surpasser, puisque les Chinois sont une race lettrée bien supérieure à celle des Malgaches, on avait fondé, en 1902, à Hanoï, une Ecole de médecine indigène qui ambitionnait d’être non seulement un établissement d’instruction professionnelle, mais « un centre d’études supérieures affectées aux recherches scientifiques de l’ordre le plus élevé ; » un arrêté de 1904 dut réorganiser l’École, supprimant du programme l’histologie, l’anatomie pathologique, la bactériologie et la médecine légale. On ne vise plus qu’à faire des aides indigènes pour les