Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 40.djvu/685

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

village. Aux Philippines, ce sont des Américains qui enseignent eux-mêmes leur langue ; et pour qu’on en fasse circuler le plus possible dans le pays, on n’exige pas d’eux des diplômes spéciaux : ils répandent l’anglais par la conversation et en s’entre tenant avec les parens autant qu’avec leurs enfans. C’est particulièrement à Madagascar qu’il conviendrait d’agir ainsi au cours de ces longues heures de pétrake (repos) où tous les indigènes adorent causer, car, dans l’état présent des choses, les enfans, en rentrant chez eux, n’emploient que le malgache, et c’est là qu’ils oublient ce qu’on leur a montré à l’école. N’ayant qu’à parler, le même effectif de maîtres instruirait un bien plus grand nombre de personnes, la langue se divulguerait rapidement, puisque le Malgache a le plus vif désir de l’apprendre, et c’est seulement lorsqu’elle serait répandue qu’une sélection spontanée se ferait d’une élite apte à notre enseignement tel qu’il existe. D’ailleurs ainsi ont procédé nos soldats, au lendemain de la conquête, lorsque, le drapeau planté dans un village sakalave, ils s’improvisaient instituteurs, et ils ont obtenu dans l’Ouest des résultats supérieurs à ceux de l’enseignement officiel.

L’erreur initiale a été de croire que la protection d’une langue indigène est une mesure libérale. Maint humanitaire a félicité les Hollandais d’avoir respecté les dialectes javanais : ils les ont même maintenus d’office et défendus comme ils défendaient au XVIIIe siècle en camps retranchés les plants d’épices ; mais précisément voulaient-ils ainsi empêcher leurs sujets d’arriver à posséder une langue commune civilisée où ils pussent exprimer et faire connaître à l’Europe leurs revendications. A Madagascar, ce ne furent point les indigènes, mais certaines chambres consultatives de colons indigénophobes qui demandèrent à M. Lépreux, dans sa tournée d’inspection de la fin de l’année 1905, la suppression du français dans les écoles ; et si les protestans nous ont déclaré être partisans de l’enseignement du malgache le plus développé, y consacrant d’ailleurs beaucoup plus de temps qu’aux exercices de notre langue, il était sensible qu’ils obéissaient inconsciemment à un esprit d’animosité générale, avec l’instinct de rester en possession plus directe et sans contrôle de l’âme indigène. De l’avis de plusieurs instituteurs et de Hovas lettrés, les autochtones se sont rendu compte que le malgache était aussi difficile à apprendre que le français. La même chose nous fut certifiée par un des plus brillans élèves de l’École