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spéciale » qui leur commenterait ses préceptes en malgache. Pour le moment, comme le déclare M. Deschamps, ils comprennent facilement les faits, peu les idées, et « l’enseignement méthodiste qui veut leur inculquer des idées les détraque. » Le caractère s’acquiert par l’expérience de la vie à gagner au contact de l’étranger et s’élabore spontanément : ceux des Malgaches, qui comprennent le français, entrent en rapports avec les vahazas (étrangers) ; lorsque cette langue européenne, réceptrice et inspiratrice d’idées, sera plus répandue, la sélection s’accomplira naturellement : ceux qui seront aptes à comprendre des idées iront à un enseignement plus philosophique, plus dialectique, grâce à leur prédilection instinctive pour les kabarys.


IV. — LE PROBLÈME DE LA LANGUE FRANÇAISE

La prééminence de la langue française dans l’enseignement aux colonies est aujourd’hui presque universellement combattue par les gouverneurs et les pédagogues de nos territoires, gagnant facilement à leurs idées les parlementaires qui veulent s’intéresser aux questions coloniales, tel M. Pierre Baudin (campagne du Journal contre le français en Tunisie). En 1906 même, le gouverneur d’une de nos plus importantes possessions, M. Beau, alarmé par les indices de la faillite dont est menacée l’Indo-Chine et par les événemens d’Extrême-Orient, a estimé qu’il fallait faire la part du feu et sacrifier notre langue ; et, après avoir consulté un conseil extraordinaire d’Instruction publique, il a remplacé l’enseignement du français par celui de l’annamite : fait très grave, il a poussé la réforme jusqu’à restaurer les caractères chinois là où ils avaient disparu depuis longtemps, comme en Cochinchine, alors que le chinois se prête assez peu à l’enseignement élémentaire indispensable aux Indo-Chinois, — et réclamé par eux, — pour forcer adonner les leçons de ; choses scientifiques dans une troisième langue, le gnoc-ngu, patois qui se sert de caractères latins[1]. L’exemple de cette colonie sera d’un grand poids et a déjà été longuement commenté en Algérie et à Madagascar. En laissant à ceux qui étudient spécialement l’Indo-Chine le soin de discuter pour ce qui concerne cette région le système nouveau, on peut déplorer qu’il soit l’œuvre

  1. Le but de cette réforme est l’économie : il s’agit de former « des auxiliaires qui prennent la place du prolétariat administratif français. » (J. Off.)