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les bœufs, à cultiver les plantes fourragères, à pratiquer l’ensilage, à planter autour de leurs cases de modestes vergers. Plus la grande agriculture semble impossible dans un pays, en raison de sa pauvreté et du caractère des indigènes, plus la petite agriculture y doit être le résultat d’une éducation scolaire. Le maraîchage a été heureusement l’objet de soins assidus : le préjugé social contre le travail agricole qui dominait les Hovas tend à disparaître depuis qu’on a fait du jardinage la matière d’études scolaires, le maître européen prenant la bêche à la main et plantant devant ses élèves haricots, carottes et choux. Un fait matériel montre l’évolution : les légumes, qui manquaient complètement avant la conquête, abondent maintenant sur le marché de Tananarive. Malheureusement, l’instituteur qui arrive de son village du Limousin ou du Languedoc, avec une touchante nostalgie s’ingénie seulement à introduire sur la côte tropicale les plantes potagères de France, et, assis sous sa varangue, il vous parle avec attendrissement du jour où la vigne cévenole aura recouvert le treillage de la tonnelle où jouent ses enfans tachés par le soleil : on ne songe ni à améliorer les plantes indigènes, ni à introduire les arbres fruitiers des Mascareignes, si précieux aux populations indigènes par la richesse et l’abondance de leur comestible et bien plus aisés à acclimater : le bibassier aux grappes couleur d’aurore ; le letchy qui, aux mois les plus chauds, charge ses hauts feuillages noirâtres de dix mille fruits roses, les plus sucrés du monde ; l’avocat, plus gros que la poire, qui enferme sous sa peau mince un beurre végétal, nutritif et sapide ; le jackier ; les goyaviers rouges de fruits à l’avril ; vingt variétés de bananiers.

Cependant, non plus que ses jujubiers et ses jamalacs, que les frais longanis, les caramboles acides, les jamrosas farineux, que les dattiers et les cocotiers, ces arbres ne sont originaires de Bourbon ou de l’île de France ; ce sont nos pères qui les y ont transplantés et fait prospérer, et on ne se représente plus assez aujourd’hui quelle industrie ils ont dépensée pour les apporter et les y acclimater, persévérant après maints infructueux essais et allant quérir au péril de leur vie les muscadiers et les mangoustans dans les jardins défendus des Moluques. Nous payons aujourd’hui des agens techniques d’agriculture, mais ce sont des fonctionnaires, inférieurs à ces hommes du XVIIIe siècle, un peu aventureux et légers, tête brûlée et le nez au