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Des institutions multiples auxquelles se consacrent les dames de l’Œuvre catholique internationale, — bureau de placemens, patronages, maison d’hospitalité, — les deux plus attachantes sont assurément l’Œuvre des gares et l’Œuvre des maisons de famille.

L’Œuvre des gares est chez nous de création récente. Elle existe depuis plus longtemps et régulièrement en Allemagne, à Cologne, à Berlin, à Munich. À l’arrivée de chaque train, des dames reçoivent les jeunes voyageuses, leur indiquent un hôtel, ou, plutôt, une maison d’accueil affiliée à l’Œuvre. On les aide à prendre leur billet, on fait enregistrer leurs bagages, on leur indique la maison où elles pourront descendre dans la ville où elles se rendent. Ainsi on espère empêcher les jeunes filles de tomber entre les mains des agens de la traite des blanches, toujours à l’affût, et qui se dissimulent sous les costumes les plus divers, depuis le costume du flâneur paisible jusqu’au costume du cocher ou du commissionnaire. Une œuvre toute pareille existe à Paris depuis peu. Le service des « arrivantes aux gares » ne fonctionne pas encore dans les gares de Montparnasse et de Paris-Lyon-Méditerranée. Il fonctionne en revanche dans les gares de l’Est, du Nord, de Saint-Lazare et d’Orsay, et dans chacune de ces gares il est dirigé par une femme du monde, Mme de Bully, Mme Oster, Mme Siegfried. J’ai pu m’entretenir avec l’une de ces arrivantes : c’est une femme de condition très modeste qui habite rue de Lille, au n° 101, dans la maison de jeunes filles que patronne la baronne de Bully. Elle est attachée à la gare d’Orsay.

— Je commence le service, me disait-elle, à quatre heures du matin, et je le termine à midi ; une autre le prend à midi et le quitte à quatre heures ; une troisième vient à quatre heures pour s’en aller à deux heures du matin. Je suis là sur le quai, avec un insigne, un brassard jaune et blanc. Un train s’arrête, les voyageurs descendent. Oh ! l’on reconnaît tout de suite, à leur air gêné, à leurs gestes embarrassés celles qui arrivent à Paris pour la première fois… Je vais à elles… je leur offre d’abord… de porter un de leurs paquets, par exemple…. Il faut beaucoup de tact, beaucoup de prudence… Je ne suis pas toujours très bien accueillie, et souvent même je suis repoussée grossièrement… Ensuite, la conversation s’engage… Alors je leur demande si elles ont un logement, où elles vont… et je les