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Mais, alors, pourquoi M. Demeny, au lieu de se servir tout simplement de l’appareil de M. Marey, avait-il eu recours, pour son photophone, à la méthode zootropique ? C’est que le chronophotographe de l’éminent académicien, bon pour un laboratoire, — nous en avons donné la preuve dans la première partie de cet article, — était, au fond, extrêmement rudimentaire : l’arrêt de la bande n’était pas toujours régulièrement assuré et, de plus, la traction trop brutale. Force était donc de trouver autre chose. M. Marey chercha en vain ; c’est M. Demeny qui, en octobre 1898, résolut le problème. Son fixateur, une simple came excentrique animée d’une vitesse d’un tour par image, est d’une grande perfection : cette came, placée sur le passage de la bande à laquelle elle donne, en quelque sorte, un coup de patte chaque fois que celle-ci passe à sa portée, suffit, en effet, pour réaliser l’intermittence désirée, et cela progressivement, sans saccades et sans accroc possible. M. Demeny, immédiatement, songea à tirer le meilleur parti possible de cette invention. Mais les savans de laboratoire ont, presque toujours, une méconnaissance profonde des besoins de l’industrie ; ils ne se doutent pas de l’importance des capitaux, de la somme d’efforts, de fatigues, de veilles que nécessite la mise au point de leurs conceptions, si simples qu’elles paraissent au premier abord : c’est dire que notre inventeur perdit un temps précieux à discuter avec les uns et les autres sur les clauses du traité à intervenir. Or, par les publications antérieures et les notes présentées à l’Académie des sciences, les travaux de MM. Marey et Demeny, sauf le fixateur de ce dernier, sur lequel il avait tenu à garder le secret, étaient tombés dans le domaine public. Aussi, ce ne fut pas à M. Demeny, mais aux frères Lumière qu’échut, au commencement de 1895, l’honneur de faire connaître au grand public la nouvelle conquête faite par la science : leur cinématographe, un cinématographe à griffes, en projetant, sur un écran visible à toute une assemblée, des scènes animées très variées et d’une durée de plusieurs minutes, attira tout Paris au Grand Café. On eut vite oublié le Kinétoscope d’Edison, sorte de zootrope fort perfectionné, qui avait fonctionné l’année précédente au boulevard Poissonnière, mais ne représentait que des scènes d’une demi-’ minute de durée au plus, et n’admettait à les voir qu’un seul spectateur à la fois. La construction d’appareils plus ou moins copiés sur celui des Lumière prit alors un essor considérable,