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mouvement, est donc le contraire de la chronophotographie.

Cependant, même en opérant comme nous venons de l’indiquer, il peut y avoir des surprises. Ainsi, lorsque, quelques jours après l’entrée d’Alphonse XIII à Berlin, en novembre 1905, on voulut reproduire cinématographiquement cette scène, alors que les carrosses de la Cour se déplaçaient dans la direction générale suivie par le cortège, les roues, par une bizarrerie singulière, semblaient tourner lentement en arrière : les spectateurs avaient l’impression invincible que les voitures allaient se disloquer et causer une catastrophe. Dans une autre reproduction cinématographique, les roues se déplaçaient sans tourner ou bien oscillaient légèrement de part et d’autre d’une position moyenne. Ces erreurs de la cinématographie, malheureusement presque inévitables, tiennent à des causes assez simples. Dans le cas présent, le mouvement de rotation étant, pour une roue, suggéré aux yeux par le déplacement de ses rayons, si, dans une vue prise, un rayon de la roue occupe, sur l’image, une place bien déterminée et que, dans les vues suivantes, les rayons qui succèdent à celui-ci viennent, chacun à leur tour, prendre exactement, par hasard, la place du premier, tous les rayons étant identiques, les images successives de la roue ne différeront en rien les unes des autres, de sorte que le spectateur sera dans l’impossibilité d’effectuer la synthèse d’un mouvement dont on ne lui a pas fourni les élémens : la roue lui paraîtra immobile. Mais il peut arriver que la concordance entre la vitesse réelle de la roue et celle avec laquelle fonctionne l’obturateur employé à la prise des vues, ne soit réalisée qu’à peu près : les rayons successifs de la roue seront alors, légèrement, soit en avance, soit en retard sur la position du premier et feront croire à une rotation lente, soit dans un sens, soit dans l’autre.

Ce point élucidé, reprenons notre exposé.

Supposons qu’on ait chronophotographie, à raison, par exemple, de 60 à la seconde, les images d’un objet en mouvement : un chat qui tombe le ventre en l’air et cherche à se redresser, un cheval lancé au galop, un oiseau qui vole, un organe de machine, etc. Si on fait alors apparaître sous nos yeux, à raison de 15 par seconde, ou même à raison de 10, les 60 images recueillies, la durée du phénomène en paraîtra considérablement ralentie, car elle sera, pour nous, multipliée par 4 dans le premier cas, par 6 dans le second, et, sans perdre