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éloquence chaleureuse. Il défend la magistrature, bien qu’elle ne soit pas exempte de critiques. Il couvre même ses préfets et ses sous-préfets, bien que plusieurs d’entre eux aient été tout le contraire d’héroïques. Quelle démonstration plus éloquente des nécessités auxquelles aucun gouvernement ne peut se dérober ? M. Briand ne disait-il pas l’autre jour que nous sommes victimes de dix années d’imprévoyance ? L’imprévoyance de M. Clemenceau est beaucoup plus ancienne ; mais enfin ses yeux commencent à s’ouvrir. Il recourt alors, pour défendre la société, la loi, la patrie, à des instrumens dont l’efficacité est affaiblie et l’a été par sa faute ; et, ne les trouvant pas solides et vigoureux comme ils devraient l’être, comme ils l’ont été autrefois, comme il est impossible qu’ils le soient encore aujourd’hui après avoir été tournés, retournés, contournés dans tous les sens, M. Clemenceau pousse des cris effarés ; il déclare bien haut que, si les choses continuent ainsi, il n’y aura bientôt plus d’armée, plus de patrie, plus de France. Est-ce que ce spectacle n’a pas son côté tragique ? Puisque tous ces malheurs devaient fondre sur nous, qu’ils étaient devenus inévitables, que le relâchement de tous les ressorts administratifs et la corruption systématique de nos mœurs publiques les avaient depuis longtemps préparés, il était juste que le poids en retombât sur les épaules de M. Clemenceau. Nous voudrions seulement qu’ils en restassent là, car, s’ils s’aggravaient encore, s’ils s’étendaient, s’ils se généralisaient, M. Clemenceau ne serait pas de force à en soutenir le fardeau. Il en serait écrasé, et nous le serions avec lui.

Nous avons dit un mot de l’impôt sur le revenu. S’il était voté, la fortune publique en recevrait une atteinte dont elle aurait beaucoup de peine à se relever. A supposer que les choses se passent dans ce domaine comme dans les autres, on ne tiendra aucun compte des alarmes des esprits prévoyans ; le mal sera fait ; puis, quand il sera peut-être devenu irréparable, M. Clemenceau ou un de ses pareils constatera les ruines qui auront été accumulées et poussera un cri tardif d’inquiétude et d’effroi. Si les choses continuent ainsi, dira-t-il, c’en sera fait bientôt de la richesse nationale ! Or, sa richesse est actuellement tout ce qui reste d’intact à la France, et cela vient de ce qu’elle a pu se développer avec une liberté relative, en dehors de la politique et sans que la politique s’en occupât. Mais aujourd’hui, la politique commence à s’occuper de la richesse de la France qu’elle trouve mal répartie, et, au moyen de l’impôt sur le revenu, elle se propose d’enlever aux uns le produit de leur travail et de leur économie, pour le donner aux autres qui n’ont ni travaillé, ni