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capacité. Il n’est ni juste, ni moral et il est dangereux qu’on puisse dire : Un tel, qui n’a pu acquérir une instruction suffisante, aura les mêmes titres, les mêmes droits, les mêmes fonctions que celui-là qui est instruit. Cela, dans la marine, plus encore qu’ailleurs, est extrêmement dangereux. »

J’ajoute un autre argument. Aucune puissance, pas même l’Amérique du Nord, pourtant si éclectique, si libérale, si démocratique, n’admet qu’un sous-officier reçoive le grade d’officier, sans restriction. Bien plus, les Américains, avec le bon sens pratique qu’ils possèdent à un si haut degré, signalent cette tendance comme un danger qu’il faut combattre. Le sous-officier et l’officier ne jouent-ils pas, dans la marine, des rôles aussi définis que différens ? L’un se meut dans un horizon restreint où il rend des services très appréciés. L’autre doit voiries choses de plus haut ; il lui faut pour cela des connaissances plus étendues, des idées plus générales.

Le Saint-Maixent maritime ne produira pas d’officiers assez complets, par le temps de progrès où nous vivons, et cette situation s’aggravera dans l’avenir. Sauf exception, les sous-officiers ne possèdent point l’instruction nécessaire. Ils n’ont pu l’acquérir faute de temps et, plus tard, l’âge ne leur permet plus de digérer aisément les connaissances indispensables. On ne saurait certes leur en faire un grief ; mais nous devons à la vérité de le constater. D’où proviennent les sous-officiers mécaniciens eux-mêmes, si nombreux à l’École de Brest ? Souvent des écoles d’arts et métiers, c’est-à-dire d’établissemens où l’on forme des chefs d’ateliers pour le travail du bois et du fer. C’est insuffisant.

D’autre part, en sortant de l’École des élèves-officiers, après avoir fourni une somme de travail très considérable, ils demeurent parfaitement convaincus, — et ils ont raison de le croire, — que l’estampille gouvernementale les rend aptes à remplir les emplois les plus élevés, à commander les gros cuirassés et, plus tard, les escadres nombreuses. Ce résultat est mauvais, dangereux, décevant. Le problème du recrutement du personnel officier réclame, selon nous, d’autres mesures, que nous résumons en quelques mots :

Ouvrir à deux battans les portes de l’École navale et accroître le chiffre des admissions, accorder un plus grand nombre de bourses à répartir entre les jeunes gens dont on signalerait l’intelligence et le goût des choses de la marine.

Continuer les cours des élèves-officiers, à l’exclusion absolue des mécaniciens, sans chercher à forcer la note pour introduire dans le cadre le plus grand nombre possible de sous-officiers. Ceux-ci, d’autre part,