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Des vallons où planait dans l’ombre plus d’une aile,
La hache a violé chaque asile secret ;
Le soc a déchiré la terre maternelle,
Et j’ai cru que c’était mon cœur qu’on labourait !

Oh ! voir l’ennemi paraître
Et bouleverser en maître
L’enclos que l’on cultiva,
Où chaque fleur qu’il enlève
Est une espérance, un rêve,
Un souvenir qui s’en va.

Toutes ont disparu : rose, iris, anémone,
Cassie où s’embaumait chaque vent passager ;
Il est dur de semer pour qu’un autre moissonne ;
Je ne suis plus dans mon pays qu’un étranger.

Et j’erre de rive en rive,
Comme l’onde fugitive
Qui passe et ne revient pas ;
Ma peine reste pareille ;
Je m’endors et je m’éveille,
Triste dès l’aurore et las.

J’arriverai pourtant à la fin de ma course,
Tel que les flots poussés par l’implacable sort
Et qui voudraient en vain retourner à leur source ;
Comme eux vers l’Océan, moi, je m’en vais au port.

Un autre pays m’appelle ;
Bientôt peut-être, sur l’aile
Du vent qui fait alentour
Frissonner l’herbe et la palme,
La nuit viendra fraîche et calme
Après les ardeurs du jour.

Mais je n’oublierai pas, même aux grèves divines,
Dans les bois immortels où rien ne se flétrit,
O mon premier jardin, tes riantes collines :
En mon âme à jamais ta beauté refleurit.