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Les Grecs invoquent le traité de Berlin : mais il a été si souvent violé qu’il n’intimide plus personne, et d’ailleurs l’attitude peu conciliante du gouvernement d’Athènes, ses encouragemens avoués aux bandes qui, depuis deux ans, exercent en Macédoine les pires ravages et commettent de cruels massacres, ont mal disposé les puissances à intervenir en sa faveur. On doit reconnaître qu’excepté durant les premiers jours des troubles, les autorités bulgares ont fait tous leurs efforts pour maintenir l’ordre ; mais la haine échappe à toute coercition : en Bulgarie, les Grecs, aujourd’hui, payent l’oppression que leurs ancêtres liront si longtemps peser sur l’église et sur l’école bulgare, de même qu’en Roumanie ils recueillent la rançon des abus dont les Phanariotes profitèrent jadis dans les Principautés.

Voilà donc plusieurs États balkaniques, Grèce d’une part, Roumanie et Bulgarie de l’autre, qui paraissent aussi éloignés que possible d’un rapprochement et d’une entente pour la solution des questions macédoniennes. Jamais les rivalités n’ont été plus vives, les antipathies plus violentes. Au contraire, par une conséquence naturelle, les relations actuelles de la Bulgarie avec la Roumanie sont des meilleures et des plus cordiales. « Nous apprécions à sa haute valeur, a dit M. Stancioff, dans son premier discours au Sobranié, le 15 novembre 1906, un voisinage de sincère amitié avec la Roumanie et nous prendrons à tâche de lui conserver ce caractère. » L’amitié de la Roumanie est, en effet, d’une très grande importance pour la politique bulgare : l’armée roumaine est, avec l’armée bulgare, la plus forte de la péninsule, et les troupes réunies des deux États seraient en mesure de tenir tête même à une grande puissance ; en cas de conflit avec les Turcs, l’appui, ou tout au moins la neutralité assurée de la Roumanie, serait, pour la Bulgarie, d’une importance capitale. Une alliance étroite entre la Roumanie et la Bulgarie exercerait une pesée décisive dans les affaires balkaniques. Si elle devait se conclure un jour, ce ne serait sans doute pas sans l’agrément des puissances de la Triple Alliance.

À cette entente, si la Serbie se joignait, une telle combinaison serait de taille à imposer ses volontés en Orient. On a pu croire un moment, l’année dernière, quand elles parurent d’accord pour réaliser entre elles une union douanière, que l’alliance des deux « nations sœurs » était un fait accompli. Nous