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depuis longtemps : elle est déclarée nécessaire dans le « programme Steeg, » dans les lettres de lord Lansdowne ; elle est prévue dans le programme de Mürzsteg. Déjà le gouvernement turc annonce qu’il va procéder lui-même à une réorganisation judiciaire : c’est la parade connue quand on prévoit, à Constantinople, une démarche des ambassadeurs ; c’est un signe que l’Europe s’apprête à formuler ses nouveaux desiderata : il est à souhaiter qu’elle le fasse vite et que le Sultan, instruit par le passé, n’oppose pas de résistance et ne recoure pas aux moyens dilatoires : c’est un jeu qui, à la longue, risquerait de n’être pas sans péril pour lui.

Le contrôle européen en Macédoine se développera donc vraisemblablement par multiplication des organes. Mais il est indispensable aussi qu’il se transforme par extension des pouvoirs et des prérogatives reconnues aux divers agens des réformes. Ici la question devient plus délicate, car c’est le principe même de la souveraineté qui est en jeu. Il conviendra de faire toutes les réserves nécessaires pour sauvegarder, au moins théoriquement, les droits du Sultan ; mais le gouvernement turc comprendra lui-même qu’en pratique le seul moyen de sauver sa domination en Macédoine, c’est d’introduire des modifications profondes dans le régime actuel. Il deviendra donc nécessaire que les agens européens aient non seulement un droit de surveillance et de contrôle, mais des pouvoirs d’exécution et de commandement. Il suffit pour cela d’élargir un peu les textes en vigueur. Il y a, par exemple, des officiers européens de gendarmerie ; pourquoi ne pas leur donner le droit de commander, tout au moins de requérir, les gendarmes turcs ? Ils pourraient ainsi organiser la poursuite des bandes et prévenir leur formation. Ce droit, le général Degiorgis, dans son discours d’arrivée, le déclarait déjà nécessaire. Il serait utile aussi d’appeler des sous-officiers et peut-être des soldats européens ; c’est évidemment ce qu’il faudra faire le jour où l’on sera décidé à obtenir la pacification de la Macédoine.

Tant que les agens et les officiers européens n’auront pas eux-mêmes la direction des réformes, les populations seront en défiance. Elles savent trop, par expérience, que les fonctionnaires ottomans trouvent moyen de tourner les meilleures lois en les appliquant sans esprit de justice, sans impartialité, car jamais le Turc n’admettra en pratique l’égalité des races et des