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On peut donc soutenir que le programme de Mürzsteg est en voie d’exécution, mais non pas, comme les Turcs essayent de le faire croire, qu’il est entièrement réalisé. Plusieurs articles, ceux notamment qui prévoyaient des indemnités aux chrétiens lésés par la répression des troubles, n’ont pas même reçu un commencement d’exécution. Les officiers européens, les agens civils, les conseillers financiers n’ont pu qu’ébaucher leur œuvre, paralysés qu’ils étaient par des difficultés financières et par des instructions trop étroites. L’article IV, qui prévoit qu’il faudra « demander la réorganisation des institutions administratives et judiciaires dans lesquelles il serait désirable d’ouvrir l’accès aux chrétiens indigènes et de favoriser le développement des autonomies locales » est, jusqu’ici, resté lettre morte. En résumé l’œuvre des réformes n’a pas été inefficace, mais elle est incomplète, insuffisante, et l’on n’est, jusqu’à présent, ni en droit de dire qu’elle ait obtenu un plein succès, ni non plus qu’elle ait fait faillite. L’expérience continue.


III

Est-ce la réorganisation de la gendarmerie qui a rassuré les populations et entravé l’action des bandes ? Il est difficile de le dire parce que d’autres influences ont agi dans le même sens. Les Comités bulgares ont, eux-mêmes, donné pour mot d’ordre général, depuis 1904, de s’abstenir de toute violence ; si les bandes grecques et serbes n’avaient profité de cette abstention pour tenir la campagne, la pacification aurait fait plus de progrès. On affirme, en Macédoine, que l’énergie de la répression, l’action des bandes grecques et serbes, la présence des officiers étrangers, la lassitude des habitans ont enrayé les succès de « l’Organisation intérieure, » et même lui ont fait perdre du terrain. Il est certain que la plupart des chefs de bandes ont été tués ou pris. Pour ne parler que du vilayet de Kossovo, Damé Martinoff a été arrêté à Uskub[1] ; Bobeff, voïvode de la bande de Koumanovo, a été tué en mars 1906 ; le voïvode de Köprilu,

  1. Sa présence ayant été signalée dans une maison d’Uskub, la police assiégea la maison et lui, réfugié dans la cave, demanda à se rendre au consul de France et à un officier autrichien ; en l’absence du consul, son drogman s’y rendit ; quand il fut là, ainsi que l’officier autrichien, Martinoff alluma une bombe qui heureusement ne fit aucun mal ; il fut arrêté.