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Si l’on fait le total de toutes les surfaces effectivement cultivées aux Etats-Unis, on s’aperçoit d’abord qu’il y en a fort peu comparativement au sol de ce pays, grand comme l’Europe. En additionnant les terres où l’on récolte présentement le maïs, le froment, les autres céréales, le foin, le coton, la canne et la betterave à sucre, la pomme de terre, le lin, le tabac, le vin, le riz et tous les autres produits de moindre importance, on n’arrive pas en tout à 140 millions d’hectares. C’est beaucoup par rapport au chiffre de la population ; ce n’est guère par rapport à l’énormité du territoire, qui réserve à l’activité des générations futures un champ cinq fois plus vaste à mettre en valeur.

Ce n’est donc pas, comme on pourrait le supposer, du don naturel d’une quantité gigantesque de terres que les Américains tirent surtout leur prospérité, puisqu’ils n’en exploitent qu’un faible lot ; c’est avant tout du parti qu’ils en savent tirer. Depuis quarante ans le nombre des hectares défrichés a augmenté, mais le rendement de chaque hectare, pris isolément, a progressé de concert. Par exemple ils emblavent en froment 19 millions d’hectares, au lieu de 6 millions il y a quarante ans ; mais ils récoltent 12 hectolitres et demi à l’hectare, au lieu de 3 en 1867. Ils font de l’avoine sur 11 millions d’hectares, au lieu de 3 millions en 1867 ; mais, de chaque hectare, ils tiraient alors 22 hectolitres, — autant que la France aujourd’hui, — et eux, aujourd’hui, en tirent 28.

S’ils nourrissent 20 millions de chevaux, 72 millions de bêtes à cornes et 107 millions de moutons et de porcs, — c’est-à-dire sept fois, cinq fois et quatre fois plus que la France ne possède de chacune de ces quatre espèces animales, — ce n’est pas seulement avec les pâtures naturelles ou avec le foin, dont ils récoltent seulement deux fois plus que nous, c’est, pour une grande part, avec le maïs, dont ils recueillent, sur 37 millions d’hectares, 23 hectolitres à l’hectare, alors que nous en recueillons 14 et demi.

Ce n’est pas davantage par un pur bienfait du hasard que les Américains possèdent des prairies où ils fauchent en moyenne 4 tonnes de foin à l’hectare, — en France on n’en fauche guère plus de 3. — La pousse régulière et spontanée de l’herbe est beaucoup plus rare qu’on ne pense dans l’ensemble des Etats, dont beaucoup ont à lutter avec la sécheresse. Mais ils suppléent à ce qui leur manque par l’herbage artificiel, par les trèfles et surtout par l’alfa, ce foin des climats arides, plus généreux encore.