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pour ne point opérer à perte. Ceux mêmes qui regardaient la sylviculture comme un besoin économique évident, ne la croyaient pas possible commercialement du vivant de la génération actuelle. Ils avaient mal auguré de l’intelligence des propriétaires, lorsque le service des forêts, transportant son action du pupitre à la futaie et laissant la plume pour le marteau, eut rencontré le marchand de bois sur son terrain.

De vagues conseils de cabinet furent transformés en offres d’affaires, et les théories inessayées en règles pratiques. Un nouvel aménagement des forêts a été aussitôt appliqué, sur leurs propres biens, par quelques-uns des meilleurs exploitans. Leur exemple fut suivi par d’autres, avec cette rapidité de décision et de changement particulière aux Américains dès qu’ils se croient dans l’erreur. Maintenant les entrepreneurs dotent à leurs frais des chaires d’enseignement sylvicole. Ce n’est pas que des destructions imprudentes ne persistent encore ; je viens d’en voir de nombreux exemples en des régions exceptionnellement boisées, comme le Washington et l’Orégon ; mais l’éducation publique se poursuit et ne tardera pas à les restreindre. Il a été fait plus pour l’exacte connaissance des forêts, depuis sept ans, que depuis la découverte de Christophe Colomb. Des méthodes efficaces, fondées sur le mesurage de plusieurs millions d’arbres, sur l’étude commerciale de trente-deux essences importantes, ont été développées ; des plans de travail ont été préparés dans tous les États et les renseignemens recueillis sur place ont pris corps en une littérature spéciale. Les Américains disent avec quelque orgueil qu’ils n’ont pas plus besoin aujourd’hui d’aller étudier à l’étranger la « foresterie, » que la médecine ou la jurisprudence.

Le système antérieur, simpliste au plus haut point, traitait les forêts comme des poutres vivantes, faites pour être abattues. Rendre sur chantier la solive au meilleur marché possible était la pierre de touche par excellence et la seule fin d’une bonne exploitation. Pour opérer une réforme, dont l’utilité pouvait être lente à reconnaître, il fallait se plier aux conditions existantes et les améliorer au lieu de les critiquer. Ce ne fut pas en proclamant des règles, mais en faisant ressortir la certitude d’un profit meilleur, que les nouveaux conservateurs des forêts ont réussi à se faire écouter.

Le même travail s’est répété pour la plantation des arbres,