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consolider la paix. Nous nous sommes mutuellement garanti nos possessions respectives, avec le Japon en Extrême-Orient, avec l’Espagne dans la Méditerranée et l’Océan. L’Angleterre a fait avec l’Espagne un arrangement analogue au nôtre. Il semble que personne ne puisse prendre ombrage d’une politique faite ainsi à ciel ouvert, et qui ne cache ni son but, ni ses moyens : cependant la presse allemande en a montré de la mauvaise humeur, et cette mauvaise humeur n’est pas encore dissipée. Cela vient peut-être de ce que l’Angleterre a, comme nous l’avons dit, fait la même chose que nous, et que l’opinion allemande se défie de tout ce que fait l’Angleterre. Elle voit d’ailleurs d’un assez mauvais œil les autres puissances conclure entre elles des traités, ou former des arrangemens nouveaux, alors que son propre système international reste stationnaire ; mais ce système est si fort, qu’elle n’a certainement rien à craindre de personne et que, certainement aussi, personne ne songe à l’inquiéter. Le malheur est que l’Allemagne croit toujours que les autres ne songent qu’à elle lorsqu’ils s’entendent entre eux, préoccupation excessive dont nous avons déjà signalé l’inconvénient et à laquelle il est vraiment regrettable qu’un arrangement aussi inoffensif que celui que nous venons de faire avec l’Espagne puisse servir de prétexte.


Mais le fait le plus considérable de la quinzaine est la dissolution de la seconde Douma, qui n’a pas eu un meilleur sort que la première, et a duré à peu près le même temps. On aura décidément beaucoup de peine à acclimater le gouvernement constitutionnel en Russie, quelque bonne volonté qu’on y mette de part et d’autre, du côté du gouvernement et de celui de la Douma. Il y a malheureusement beaucoup d’inexpérience ici et là. On y parle une langue différente, on croit y avoir des intérêts opposés et l’entente est de plus en plus difficile. La Douma a eu bien des faiblesses et a commis bien des fautes : cependant, si on la compare à sa devancière, le progrès apparaît déjà sensible, et il a semblé, à de certains momens, qu’une majorité était possible entre les groupes du Centre, à l’exclusion des extrêmes. Le gouvernement a perdu patience. Le li juin, il a demandé à la Douma d’autoriser l’arrestation de seize de ses membres accusés de complot contre la sûreté de l’État et la mise en accusation de trente-neuf autres, et cela tout de suite, séance tenante, sans prendre le temps de respirer. Il n’y a probablement pas d’assemblée au monde qui aurait pu se soumettre à de pareilles conditions : aussi la