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a commis bien des fautes ; nous en avons signalé quelques-unes et il serait facile d’en relever beaucoup d’autres ; mais il est juste de reconnaître qu’il a hérité d’une situation dont il n’est pas le seul auteur ; la responsabilité en appartient en partie à ses devanciers. Son tort, à lui, est de n’avoir rien fait pour corriger les pires abus du régime et de les avoir, au contraire, aggravés. Nous avons cité plus haut la phrase de M. Clemenceau, surpris d’avoir à faire tout autre chose que ce pour quoi il avait accepté le pouvoir. Les gouvernemens, aujourd’hui en particulier, doivent s’attendre à tout et être prêts pour tout, soit au dedans, soit au dehors. En ce qui concerne le Midi, ses manifestations avaient cessé d’être légales ; elles avaient provoqué des actes, incontestablement révolutionnaires, qu’il était impossible de tolérer plus longtemps : puisqu’on n’avait pas su les prévenir, on était dans la fâcheuse nécessité de les réprimer. Cette obligation, M. Clemenceau l’a remplie : il l’a fait gauchement, mais avec décision, et lorsqu’il est venu demander à la Chambre, non pas une approbation qu’il sentait bien ne pas mériter encore, mais un blanc-seing pour continuer ce qu’il avait entrepris, la Chambre n’a pas pu le lui refuser. — Laissez-moi faire, disait-il, vous méjugerez après. — Soit, a répondu M. Ribot ; nous ne vous demandons aujourd’hui que des renseignemens, des explications ; plus tard nous vous demanderons des comptes. — M. Clemenceau a procédé aux arrestations qu’il avait ordonnées et des désordres graves se sont produits ; mais ces désordres mêmes, en augmentant les difficultés avec lesquelles le gouvernement était aux prises, auraient singulièrement augmenté la responsabilité de la Chambre si elle en avait profité pour le renverser. C’est une chose grave de renverser un gouvernement devant l’émeute à laquelle il fait face : on a l’air de le sacrifier. Si la Chambre l’avait fait, rien n’aurait pu empêcher l’imagination méridionale d’en conclure que la politique de résistance et de répression était désavouée : les exigences du Midi seraient devenues encore plus grandes, et nul ne peut dire ce qui serait arrivé. Le gouvernement a obtenu une majorité d’une centaine de voix, majorité provisoire et qui serait trompeuse si M. Clemenceau comptait y trouver un appui durable. Elle se compose, en effet, de voix très diverses, dont un bon nombre appartenaient hier et appartiendront demain à l’opposition. La première fois, M. Clemenceau n’avait demandé qu’un répit à la Chambre : la seconde, il lui a demandé sa confiance, mais elle ne lui a encore accordé qu’un répit. Il est d’ailleurs naturel que tout le monde n’ait pas pu faire sur soi-même l’effort qu’a fait la majorité. Sur tous les bancs de la Chambre,