Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 40.djvu/223

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’âme, et de fendre les cheveux en quatre. M. Maurice Ajam, député de la Sarthe, — quoi qu’il s’en soit finement acquitté, — eût pu ne pas se mettre en peine d’entreprendre à ce propos un « essai » précis et complet, « de psychologie parlementaire. » A parler franc, il n’y a là dedans qu’un seul motif psychologique : ne point lâcher ce que l’on tient ; et, à le dire tout net, il n’y a là-dessous qu’une seule loi : les réformes sont possibles et faciles dans une assemblée où chacun ne met au jeu que la victoire de ses opinions et la prépondérance de son parti ; elles sont, sinon impossibles, difficiles dans une assemblée où Jérôme Paturot met au jeu sa position sociale. Ce n’est pas M. Ajam, en multipliant les traits, c’est M. Bignon qui, d’un trait, est allé au fond des choses. Leur fief ! Une féodalité, formée exactement comme l’autre, fondée exactement comme l’autre, sur la « recommandation, » vivant, comme l’autre et plus que l’autre, à même l’État.

La lutte, aujourd’hui ou demain, est ou sera entre cette féodalité, cette oligarchie, et la démocratie à laquelle elle s’est superposée, qu’elle recouvre comme d’une croûte, et qu’elle ronge. A nous d’aller, par delà la croûte, jusqu’à la chair, de faire assez de bruit pour réveiller, dans sa masure délabrée ou dans son palais inachevé, la Belle au Bois dormant ! A nous de demander au pays, à travers les murs de la Chambre, — et nous le lui demandons : — Veux-tu te reprendre à la rue et à la cohue, à l’anarchie ; t’arracher aux jouisseurs et aux profiteurs, à l’accaparement, à l’exploitation des fonctions publiques ; te sauver de ces deux sortes de maux qui sont les corruptions extrêmes de la démocratie et par quoi elle n’est qu’un sépulcre blanchi, par quoi elle n’a que les apparences de la vie, sans la vie ? Veux-tu être dans l’ordre, dans le droit et dans la liberté ? Veux-tu être ton maître ? Veux-tu être ?


CHARLES BENOIST.