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à ses yeux, unique. On renonce donc à la maxime : One man, one vote, et l’on se réfère, non plus à l’électeur qui n’est qu’un et qui n’a qu’un droit, mais aux candidats qui sont plusieurs et entre lesquels l’électeur fractionne, s’il lui plaît, l’exercice de son droit. Je n’insiste pas sur cet agencement : il a des avantages que M. Etienne Flandin n’a pas manqué et ne manquera pas de faire valoir[1]. Il peut aussi soulever des résistances, heureuses de s’emparer de ce prétexte. De toute façon, il n’est une pièce essentielle ni d’un système de représentation proportionnelle en général, ni du système de la Commission.

En résumé, ce système de la Commission, le système de M. Flandin, échappe autant que possible aux critiques, à celles du moins qui pourraient être mortelles, en France, pour tout système de représentation proportionnelle. Il touche aussi peu que possible aux habitudes, et dérange aussi peu que possible la routine, elle-même vénérable, quand un peuple entier s’y est assoupi depuis plus de cinquante ans. L’électeur français continuera de faire, à l’angle connu et suivant le rite consacré, le geste auguste qu’il doit avoir maintenant imprimé dans les moelles. Aucun réveil fâcheux ne viendra, d’élection en élection, interrompre ses accès, — nos accès, — de somnambulisme civique ! Nous n’aurons qu’à faire tout tranquillement ce que firent nos pères de 1848, et même un peu déjà nos pères de la Révolution, ce que nous avons appris d’eux à faire après eux. On a vu de plus grands travaux ! Et c’est pourquoi peut-être, au point de vue technique, le système belge est supérieur ; mais c’est pourquoi celui de M. Flandin est peut-être meilleur, au point de vue français.


V

Reste une dernière question, pratiquement la plus importante : quelles sont les chances immédiates de la réforme ? Un gros danger pouvait naître pour elle de l’abondance même des systèmes et de l’obstination avec laquelle chacun de leurs auteurs se serait attaché, accroché au sien propre. Cet écueil au moins paraît évité. Les plus actifs et les plus ingénieux pionniers de la représentation proportionnelle, au Parlement et hors du

  1. Voyez le rapport, p. 15.