Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 40.djvu/214

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


IV

Pour que les minorités soient « représentées d’une manière satisfaisante, » et peut-être, pour qu’elles soient, tout bonnement, représentées, pour que, comprimées et diminuées au scrutin d’arrondissement, elles ne soient pas, au scrutin de liste, écrasées sous la majorité, il faut corriger par la représentation proportionnelle la brutalité du scrutin de liste. La représentation proportionnelle est, — qu’on veuille bien me passer cette image sans doute risquée, — comme le tampon dont il faut entourer ce formidable marteau-pilon qu’est le scrutin de liste, pour que la moitié des Français moins x ne soient point broyés et annihilés par l’autre moitié des Français plus x. Mais s’il n’y a qu’une manière d’empêcher l’écrasement des minorités : adopter la représentation proportionnelle, il y a, une fois admis le principe même de cette représentation, cent manières de la pratiquer. Je n’exagère pas en disant cent, et plus de cent : chaque jour, depuis un demi-siècle passé qu’elle s’y exerce, l’imagination des inventeurs découvre des arrangemens nouveaux. Etant donné que toute application de la représentation proportionnelle comporte nécessairement, avec le scrutin de liste, un chiffre électoral ou masse électorale, une division de cette masse électorale par le nombre de sièges à pourvoir, la répartition de ces sièges entre les listes d’après le quotient, et leur attribution aux candidats de chaque liste dans tel ou tel ordre d’après tel ou tel signe de préférence, les détails peuvent être ensuite ou simplifiés ou compliqués, variés presque à l’infini.

Parmi ces inventeurs qui sont légion, — car ce sont questions dont tout le monde, y étant partie, croit par là même être juge, — les uns ont recherché surtout la perfection mathématique, et s’enorgueillissent de l’avoir trouvée, jusqu’à ce qu’un savant, plus rigoureux et scrupuleux encore, gémissant sur les défaillances de l’esprit humain, reprenne les calculs, relève dans la méthode quelque coefficient d’erreur, et fasse effort pour approcher de plus près ce vrai absolu qu’il ne sera probablement donné à personne d’atteindre : c’est l’histoire de M. d’Hondt, avec son diviseur commun, et de M. La Chesnais, par exemple, avec ses fractions forcées. D’autres estiment que, plutôt que de se fatiguer inutilement à vouloir s’approcher d’une perfection