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l’établissement de caisses d’invalidité pour les compagnons malades ; l’immense organisme créé par Kolping et qui devait, dans son esprit, être une pauvre de conservation sur base chrétienne, devenait, toujours sur base chrétienne, une œuvre de réforme.

D’un double mouvement, les catholiques d’Allemagne étaient descendus tout au fond de leur doctrine morale et tout au fond de la réalité sociale ; entre cette doctrine et cette réalité, ils avaient constaté un hiatus, qui ne pouvait être comblé que par de profondes réformes ; soucieux de ne se comporter en conservateurs qu’en tant que leur doctrine demeurait sauve et intégralement appliquée, ils étaient conduits, tous ensemble, Kolping et Schorlemer, Joerg et Ketteler, Schings et Lieber, par l’effet même du souci qu’ils avaient de donner à l’Allemagne des assises chrétiennes, à corriger la réalité pour y faire prévaloir leur doctrine ; et leur esprit d’entreprise, avec les allures quasi révolutionnaires que parfois il affectait, n’était que la conséquence de leur intransigeance chrétienne. Le jour allait venir où la colossale Allemagne, ayant, aux dépens de la France, pris conscience de sa force, la mesurerait ensuite contre l’Eglise catholique et où les masses populaires, arbitres de la composition du Reichstag, auraient à prendre une place dans le conflit. Elles se souviendraient, ce jour-là, que ces Lieber et ces Schorlemer, subitement contraints de s’agiter, avant tout, pour l’affranchissement des prêtres, s’étaient, jusqu’au milieu de 1870, agités, sans relâche, pour l’affranchissement des pauvres.

Dans une monographie publiée en 1879 sur l’industrie textile du Rhin, l’économiste Alphonse Thun devait écrire :


Avec le Culturkampf, un nouveau principe entra en scène pour la formation des partis, les tisserands de la Prusse Rhénane durent prendre position dans une question où jusque-là ils étaient neutres. Le conflit social entre fabricans et travailleurs subsista ; un conflit nouveau, entre cléricaux et libéraux, s’y joignit. Le parti libéral apparut comme le groupement des fabricans et des anticléricaux, le parti du Centre comme le groupement des travailleurs et du clergé. Plus que jamais les ecclésiastiques hostiles aux fabricans libéraux furent rejetés vers le peuple. Les tisserands sont les adeptes de l’ultramontanisme, moins parce qu’il est un parti religieux que parce qu’il est devenu un parti social.


« Devenu : » qu’est-ce à dire ? Le passage est vrai dans son ensemble, et je connais peu de textes qui jettent sur l’histoire